Déposée sur Netflix jeudi dernier, la série Ripley, plus récente adaptation du roman The Talented Mr. Ripley de Patricia Highsmith, met en vedette Andrew Scott dans le rôle-titre. La Presse s’est entretenue avec le brillant acteur irlandais.

Jamais un acteur n’a eu l’occasion de passer autant de temps dans la peau du mystérieux Tom Ripley. Certes, il y a eu deux adaptations cinématographiques du roman, une avec Alain Delon en 1960 (Plein soleil) et l’autre avec Matt Damon en 1999. Mais la série de Steven Zaillian (scénariste de Schindler’s List et de The Irishman, notamment), qui compte huit épisodes en noir et blanc, permet de saisir les nuances du personnage. Impossible toutefois d’élucider entièrement les agissements de cet homme énigmatique. Et c’est normal.

« Il est insaisissable, donc j’ai dû trouver différentes façons pour tenter de le comprendre. L’un de mes défis était d’admettre que certaines questions resteraient sans réponse, car Tom, comme plusieurs personnes d’ailleurs, est étranger à lui-même », explique Andrew Scott.

En dépit de ses lacunes par rapport à sa propre identité, Tom Ripley est déterminé à améliorer son sort. Orphelin, le Bostonnais d’origine a eu une enfance difficile. Dans les livres, on apprend qu’il a été élevé par une tante qui ne l’aimait pas et le traitait de chochotte (sissy). À 20 ans, il fuit pour New York dans l’espoir de devenir acteur.

C’est dans cette ville, au début des années 1960, que Ripley s’amorce. Tom n’est pas un comédien, mais plutôt un petit escroc qui trompe les patients de spécialistes en leur envoyant des lettres ou en leur téléphonant pour réclamer des paiements par chèque. Un jour, un riche constructeur de bateaux lui offre de le payer pour se rendre en Italie afin de convaincre son fils de rentrer au pays. Bien que la supposée amitié entre Tom et Richard Greenleaf, alias Dickie, ne soit qu’un vague souvenir pour ce dernier, il l’invite à habiter chez lui, dans sa splendide villa à Atrani, près de Naples.

PHOTO JORDAN STRAUSS, ASSOCIATED PRESS

Andrew Scott à la première de Ripley, à Los Angeles, le 3 avril

Tom vit avec les rats dans le Lower East Side. Il ne possède rien et n’a pas de famille. C’est un homme qui a été rejeté par la société, qui est ignoré. Bien qu’il soit doué, il est devenu criminel afin de survivre et il est excellent dans ce qu’il fait. Puis, il rencontre ces gens qui ont la moitié de son talent, mais le double des privilèges.

Andrew Scott

« [L’autrice] Patricia Highsmith a abordé les inégalités, les injustices et la disparité des chances accordées. On souhaite que Tom réussisse, car c’est un opprimé [underdog] », estime-t-il.

Pour certains téléspectateurs, les encouragements cesseront possiblement lorsque Tom deviendra – alerte au divulgâcheur, même si le roman est paru en 1955 – un meurtrier. En ce qui nous concerne, une partie de nous espérait malgré tout que la police ne l’épingle pas. Nous avons posé la question à celui qui, par son jeu, a provoqué un tel dilemme moral. « Après toutes ces années, ce personnage demeure fascinant car on veut le mieux pour lui – même si on sent parfois qu’on ne devrait pas souhaiter qu’il s’en tire, souligne Andrew Scott. Sans dire que l’on consent le meurtre, on voulait faire découvrir le Tom Ripley qui se cache en nous tous. Nous passons tellement de temps avec lui qu’il devient le protagoniste plutôt que l’antagoniste que l’on juge hâtivement. »

Jouer plus d’un rôle

L’acteur vu l’an dernier dans All of Us Strangers et révélé dans la série Sherlock utilise également le terme « antihéros » pour décrire son personnage. Il aurait pu ajouter « caméléon ». Tom possède un charisme particulier. Il n’est pas particulièrement charmant, mais parvient à obtenir ce qu’il désire sans insister. Il manipule les gens avec aisance. À un certain point, il vole l’identité de Dickie, ce qui a obligé Andrew Scott à jouer un rôle dans un rôle.

« J’ai trouvé cela plaisant, surtout lorsqu’il devient plus à l’aise dans la peau de Dickie et affiche la confiance d’un séducteur international dans la façon dont il se conduit, dont il s’habille », raconte le comédien.

Il évoque ensuite le combat intérieur entre ce que Tom ressent et ce qu’il exprime. « Sa relation avec Marge – l’amoureuse de Dickie, incarnée par Dakota Fanning – est très codée. Ils sont méfiants l’un de l’autre, alors ils arborent une façade polie lorsqu’ils se parlent. »

Ainsi, Tom Ripley est rarement lui-même. Les seuls moments où le masque tombe sont lorsqu’il est forcé de changer ses plans. Ceux-ci sont toutefois fréquents et offrent certaines des scènes les plus mémorables. « C’était très important de le voir penser et trouver des solutions. C’est une personne profondément intelligente et on prend plaisir à le regarder utiliser son cerveau. Je crois aussi qu’il était nécessaire de le voir faire des erreurs. »

Belle Italie

PHOTO LORENZO SISTI, FOURNIE PAR NETFLIX

Ripley a été tournée principalement en Italie.

La majeure partie de Ripley se déroule à Atria et à Rome, avec des passages à Naples et à Palerme. L’architecture et l’art de ces villes sont bien mis à profit. La caméra de Steven Zaillian, réalisateur de la série The Night Of et des films All the King’s Men, A Civil Action et Searching for Bobby Fischer, est sublime. Le directeur photo Robert Elswit, qui a souvent collaboré avec Paul Thomas Anderson et qui a remporté un Oscar pour There Will Be Blood, y est certainement pour quelque chose.

Pour Andrew Scott, tourner dans la Botte n’a été que bénéfique pour sa performance, en plus d’être fort agréable. « Le tournage a eu lieu à la fin de la pandémie, alors nous avons eu accès à une Italie plus tranquille. Je me rappelle avoir marché dans une place Saint-Marc déserte à Venise, raconte-t-il. J’ai découvert l’Italie de la même façon que Tom. J’ai appris la langue et j’ai rencontré des gens extraordinaires. »

Ripley est diffusée sur Netflix.