En suivant la piste d’un donneur de sperme artisanal, les journalistes Marie-Christine Bergeron et Maxime Landry ne se doutaient sûrement pas qu’ils ouvriraient une boîte de Pandore. L’automne dernier, ils avaient relié deux donneurs à 225 enfants. Une fois la série diffusée, ils ont dû poursuivre leur enquête, car ils étaient bien loin du compte, comme ils le racontent dans un quatrième épisode à venir le 6 mai.

Faisons un pas en arrière avant d’aller plus loin. En novembre, Crave a présenté une série documentaire en trois parties intitulée Père 100 enfants. Ce drôle de titre laissait entendre deux choses : qu’un homme avait une progéniture exceptionnellement nombreuse et qu’il n’en assumait pas la responsabilité. Le « 100 » du titre peut en effet signifier « sans ».

Aiguillés par une maman bernée par un donneur de sperme, Marie-Christine Bergeron, chef d’antenne à Noovo, et son collègue Maxime Landry avaient creusé la réalité d’un phénomène méconnu et pourtant assez courant : le don de sperme artisanal. Pour des raisons diverses, un nombre important de femmes désireuses d’avoir un enfant se tournent en effet vers les réseaux sociaux plutôt que vers les cliniques de fertilité pour concevoir un bébé.

Il leur est assez facile de trouver des hommes prêts à offrir gratuitement leur semence en ligne. Or, cet accès facile signifie aussi que cette pratique n’est pas du tout encadrée. Les ententes se font entre personnes de bonne volonté et les femmes doivent croire sur parole les donneurs, notamment sur la limite de dons qu’ils se fixent eux-mêmes.

Dans les trois premiers épisodes de la série, les journalistes ont rencontré des mères qui soupçonnaient que le donneur avec lequel elles avaient fait affaire leur avait menti en disant qu’il s’arrêterait après avoir aidé à concevoir 25 enfants. Après enquête, Marie-Christine Bergeron et Maxime Landry lui en attribuaient au moins 75. Et ils n’étaient pas au bout de leur surprise.

En fouillant davantage, ils ont constaté qu’un autre homme était bien plus actif. Cet homme-là était même lié génétiquement au premier. À eux deux, ils avaient aidé à concevoir 225 enfants ! Le quatrième épisode montre qu’ils étaient encore bien loin du compte...

Une suite ahurissante

Une fois la série diffusée, la journaliste d’enquête a reçu tellement de témoignages de femmes que son collègue et elle ont replongé.

Ce qu’ils ont découvert est ahurissant : non seulement les deux premiers hommes avaient contribué à donner naissance à plus de 500 enfants, mais un troisième est le géniteur de 80 autres. Et ce troisième est lié aux deux premiers sur le plan génétique...

Qu’est-ce qui motive ce trio ? On ne le saura pas : aucun d’eux n’a accepté de s’expliquer à la caméra, ni même au téléphone. Or, en plus des risques de consanguinité – 600 enfants au bagage génétique similaire dans le sud du Québec, c’est énorme –, l’aîné du trio est porteur d’un gène susceptible de provoquer une maladie pour laquelle il faut prendre des médicaments toute sa vie, la tyrosinémie. Des enfants nés de ses dons sont d’ailleurs malades.

L’une des intervenantes du documentaire dit que les comportements de ces trois hommes sont non seulement irresponsables, mais même criminels à ses yeux. Un psychiatre parle non seulement de narcissisme au sujet de ces géniteurs en série, mais trouve aussi dans les propos de l’un d’eux, qui veut rassembler ses descendants les plus « purs », une parenté avec les discours sectaires.

L’enquête de Marie-Christine Bergeron et Maxime Landry met en lumière la pratique risquée qu’est la procréation par don de sperme dit « artisanal ». Elle montre aussi que l’encadrement est également à parfaire dans les cliniques de fertilité : le troisième donneur a en effet contribué à la naissance de 75 enfants dans le système officiel et personne ne savait que deux de ses proches avaient à eux deux des centaines d’autres enfants...

Dès le 6 mai, sur Crave. Canal Vie présente la série les lundis, 20 h, jusqu’au 13 mai.