Cinquante-quatre ans après sa sortie en salle, le film Let It Be se refait une beauté. Pour le meilleur et le moins bon...

Ce ne fut pas le meilleur produit du catalogue beatlesque. Il traîne avec lui une réputation de film déprimant, chroniquant les dernières heures d’un groupe blasé. Quant à sa version « bonfiée », lancée il y a trois ans par Peter Jackson (Get Back), elle semblait amplement suffisante.

Fallait-il vraiment rééditer le bon vieux Let It Be, sorti sur les écrans en 1970 ? Ça se discute.

Officiellement, le documentaire de Michael Lindsay-Hogg n’était plus disponible depuis le début des années 1980. Dans les faits, il refaisait parfois surface sur YouTube, par segments ou dans sa totalité. Mais la piètre qualité de l’image et du son ne faisait que nourrir sa légende négative.

Cette nouvelle version, restaurée par la magie de la fameuse technologie MAL-demix et offerte dès ce mercredi sur Disney+, le réhabilite quelque peu, en lui redonnant le lustre tant attendu. L’image a retrouvé ses couleurs. Le son est impeccable. En ce sens, sa ressortie était parfaitement justifiée.

Dans l’ombre de Get Back

Difficile, en outre, d’imaginer ce film continuer à moisir entreposé chez Apple Corps, alors que son « petit frère », Get Back, poursuit sa belle carrière au soleil. Sortie il y a trois ans, la série de trois épisodes de Peter Jackson, réalisée à partir des chutes du documentaire initial, avait ravivé l’intérêt pour le Let It Be de 1970. Il n’était que légitime de ressortir ce dernier, afin de lui donner une seconde chance de briller.

Le problème, c’est qu’en dépit de ses améliorations, Let It Be souffre désormais de la comparaison avec Get Back.

Les puristes apprécieront probablement le respect du format 16 mm original et le traitement visuel « filmique », d’apparence moins numérique que le Get Back de Peter Jackson. D’autres y verront un film pionnier du rockumentaire-vérité, avec cette finale en apothéose sur le toit d’Apple, le fameux rooftop concert, où le groupe avait donné son ultime concert.

Mais avec ses 83 petites minutes, le documentaire de Michael Lindsay-Hogg fait forcément figure de nain à côté des neuf heures du monumental making of de Peter Jackson, le faisant davantage ressembler à la bande-annonce de celui-ci qu’à une « vue » autonome ayant sa vie propre.

Le film de Peter Jackson étirait certes la sauce, avec son interminable déroulé ponctué de temps morts et de séances de travail parfois fastidieuses. Mais il avait le mérite de bien faire comprendre les enjeux et la lente dislocation du groupe (absences de John, démission de George fâché, discussions privées entre Paul et John), ce que le Let It Be original, avec ses raccourcis et son montage en ellipse, ne parvient pas vraiment à faire, si ce n’est pour cette petite prise de bec entre George et Paul (« je ne vais plus jouer du tout si c’est ce que tu souhaites ») et l’omniprésence d’une Yoko inutile, qui tape sur les nerfs.

PHOTO ETHAN A. RUSSELL, FOURNIE PAR DISNEY

John Lennon

Tout cela pour dire que Get Back est devenu la clé indispensable pour comprendre Let It Be, mais pas l’inverse.

Certaines choses, du reste, ne changeront jamais. Et Let It Be ne fait que les confirmer.

1) Paul McCartney en menait large. 2) Yoko était vraiment trop « scotchée » à John. 3) Ringo semblait vraiment déprimé. 4) Le concert sur le toit était une idée géniale et un grand moment de rock. 5) Ce film n’est pas un chef-d’œuvre, mais une curiosité. 6) Il faudrait commencer à laisser les Beatles tranquilles, parce que plus on en rajoute, moins la magie opère. Hélas, il semble que ce ne soit pas le cas, si on en juge par les projets divers en cours, dont cette série de quatre longs métrages portant sur chacun des quatre Beatles, réalisée par le cinéaste Sam Mendes et prévue pour 2027.

Décidément, ça n’arrêtera jamais.

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