Quelle bonne idée la direction de L’Itinéraire a eue de demander à 18 auteurs et autrices de contribuer à un recueil de nouvelles pour souligner le 30e anniversaire de ce magazine qui est bien plus qu’une simple publication.

Dans Tracés littéraires, vous allez retrouver des textes de Michel Tremblay, Éric Chacour, Patrick Senécal, Heather O’Neill, Monique Proulx, Dominique Fortier, Ghislain Taschereau, Francis Ouellette et plusieurs autres. Merci à ces auteurs d’avoir offert leur temps et le fruit de leur plume.

IMAGE TIRÉE DE LA VERSION NUMÉRIQUE DE L’ITINÉRAIRE

La couverture de L’Itinéraire

Des camelots signent également des textes. Quant à la couverture, elle est du bédéiste Michel Rabagliati. C’est du grand et bel ouvrage !

On m’a confié qu’un grand moment d’émotion a été vécu dans les bureaux de L’Itinéraire jeudi dernier lorsque les boîtes de ce numéro spécial de 124 pages ont été livrées. Ça se comprend. Le résultat est franchement étonnant.

Quelques exemples du résultat ?

Michel Tremblay se glisse dans la peau d’un garçon (serait-ce lui ?) qui n’en peut plus de se faire harceler par un camarade de classe. Ce texte, aussi court qu’incisif, nous permet de goûter une fois de plus au talent de cet auteur à l’origine des plus beaux monologues de notre théâtre.

« Au commencement je pensais qu’y se tannerait. Ben non, y s’est pas tanné, au contraire ! Y était de pire en pire ! Ça fait mal des trombones ! Ça pince ! Savez-vous le nombre de trombones que je reçois pendant un de vos cours ? Hein ? Ben moi non plus ! Parce que j’les compte pas ! Chus pus capable de me concentrer non plus ! Chus pus capable. Chus pus capable ! Es-tu capable de comprendre ça si t’es pas trop bouché ? Chus pus capable ! Ça me rend fou ! Ça me tue ! »

Sophie Voillot signe le texte L’opinel qui nous présente la réalité d’une jeune fille qui vit sous l’emprise du conjoint de sa mère. Puis un jour, elle rencontre un homme qui lui fait découvrir les véritables émotions de l’amour. Cette fille aime sculpter des oiseaux avec son couteau Opinel. Mais un jour, cet outil deviendra autre chose.

« J’aime ramasser des branches, c’est comme aller à la chasse. Il faut ouvrir l’œil pour repérer celles qui ont la bonne forme, tordues, noueuses. Le nœud, c’est le corps de l’oiseau. Mais avant de le sculpter, j’enlève l’écorce. Il faut que je fasse attention pour pas en mettre partout sinon ma mère me crie après. Alors je mets un vieux journal sur la table de la cuisine, comme ça j’ai la paix. »

Christian Tarte, camelot posté devant le Jean Coutu situé à l’angle de la 28Avenue et de la rue Beaubien, revient sur le bonheur tranquille de son enfance au moment où, avec sa bande de copains, il était le maître des ruelles de Montréal.

« Parmi les mauvais coups racontables dans ce texte, il y avait les bombes puantes que nous achetions au magasin de farces et attrapes et que nous écrasions un peu partout. Un qu’on aimait bien était de faire peur à quelqu’un qui avait les bras chargés. Mais celui qu’on affectionnait le plus consistait à attacher deux poignées de porte qui se faisaient face dans les blocs appartements, sonner aux deux portes, demeurer sur place et observer les réactions, puis se pousser en courant. »

Quel plaisir j’ai eu à lire ce numéro. J’ai toutefois appris avec tristesse que le camelot Roger Perreault est mort l’an dernier. J’ai connu Roger en 2018 lors de la préparation du numéro annuel 100 % camelot. Nous avions fait équipe ensemble. C’était un homme d’une grande sensibilité, drôle, bavard, jamais ennuyant. Dans le texte qui est publié dans Tracés littéraires, il raconte la fois où un incendie s’est déclaré chez lui en son absence. Je ne vous dis pas comment c’est arrivé. Le scénario est à l’image de Roger.

Comme ce numéro spécial souligne un anniversaire, 12 camelots font un retour en arrière et racontent ce qu’ils étaient en 1994 au moment où L’Itinéraire naissait. Grâce à un code QR, vous accéderez à une plateforme où vous pourrez entendre ces 12 témoignages très inspirants.

Il vous arrive peut-être en passant devant un camelot de vous demander à quoi sert la vente de ce magazine. En fait, vous aidez un organisme à accompagner des personnes adultes en situation de vulnérabilité sociale et économique, à risque d’itinérance, aux prises avec des problèmes de dépendances ou de santé mentale. Le but est de leur permettre de devenir des citoyens à part entière.

Au fil des ans, environ 3200 personnes ont amélioré leur qualité de vie par la rédaction et la vente de ce magazine de rue.

Environ 15 000 exemplaires de Tracés littéraires ont été imprimés. Bien évidemment, il coûte un peu plus cher que le numéro standard. Mais je vous le dis, il vaut son pesant d’or. Ça serait tellement formidable qu’on puisse dire dans quelques jours que ce numéro est « épuisé ».

Tracés littéraires est en vente auprès des camelots ainsi qu’à la librairie La Livrerie, 1376, rue Ontario Est, à Montréal, au coût de 10 $.