Trois ans que j’attendais ce moment. Trois ans à rêver de voir la suite de Dune, dont la sortie prévue pour novembre 2023 a été reportée à mars 2024. Le cœur battant dès les premières minutes du film, qui reprend le fil de l’histoire exactement là où la première partie se terminait. D’autant plus qu’à peu près toutes les critiques qui ont commencé à sortir parlaient d’un chef-d’œuvre.

J’ai beau avoir lu et relu le roman, vu et revu le film de David Lynch de 1984, et une dizaine de fois le premier Dune, Denis Villeneuve a réussi à me surprendre avec Dune : Part Two, malgré mes attentes stratosphériques. Je n’avais pas assez d’yeux pour ce spectacle à grand déploiement – qu’il faut absolument voir sur écran IMAX – et les 2 heures 40 minutes du long métrage m’ont semblé courtes. Si les cinémas offrent un marathon avec les deux parties, j’achète un billet, c’est sûr.

Que vous ayez lu Dune ou pas, que vous aimiez la science-fiction ou pas, le cinéaste offre avant tout ici une incroyable expérience de cinéma. Bien des gens disent que le genre ne sera plus jamais le même après Villeneuve, qui va rejoindre au panthéon les Kubrick, Spielberg, Scott, etc. Ils ont raison.

Il portait déjà par son nom, Villeneuve, ville-neuve, la promesse d’un renouveau. On en a eu l’intuition avec Arrival, son premier film de SF, dans lequel les vaisseaux avaient une tout autre forme que ce à quoi nous sommes habitués. Pour Blade Runner 2049, il avait la contrainte de respecter l’iconographie du classique de Ridley Scott. Avec Dune, il confirme qu’il est un nouveau prophète de la SF au cinéma, celui qui montre le chemin, comme diraient les Fremen… Villeneuve a le projet d’adapter un autre classique de la littérature de science-fiction, Rendez-vous avec Rama, d’Arthur C. Clarke, et franchement, je ne vois personne d’autre que lui pour accomplir cet exploit de me montrer ce mystérieux vaisseau cylindrique qui me hante depuis des années.

Pour ma génération, le visuel de la SF a beaucoup été défini par Star Wars (qui a d’ailleurs volé beaucoup d’idées au Dune de Frank Herbert) ou Alien, mais après une quarantaine d’années à voir des personnages courir dans des corridors assez semblables de vaisseaux remplis de boulons et de tuyaux, j’étais un peu tannée, et je n’aime pas les films de superhéros qui ont envahi les écrans depuis une décennie. Avec Dune, on est complètement ailleurs, enfin.

Au roman de Frank Herbert, Villeneuve a imposé son langage cinématographique, comme Kubrick avait imposé le sien au roman The Shining de Stephen King. Et c’est une vision beaucoup plus sombre que ce à quoi je m’attendais. Il ne faut jamais oublier que les récits futuristes parlent toujours de notre présent, au fond. Villeneuve nous offre ici une majestueuse fable sur le fanatisme, la polarisation, l’identité, l’économie, le colonialisme et l’environnement, d’une maturité qui manque souvent à ce genre, où l’on sombre dans l’orgie d’effets spéciaux pour masquer la faiblesse du scénario. Oui, il y a plus d’action dans Dune : Part Two, mais ce n’est même pas ce que l’on retient. Nous sommes plutôt emportés avec Paul Atréides qui lutte contre le destin terrifiant qu’il entrevoit. Comme la plupart des « élus divins », il ne veut pas de cette mission, mais tout autour de lui, on espère qu’il sera le Lisan al-Gaib (en premier l’hilarant Stilgar, qui voit des signes partout). J’ai rarement vu dans un film un tel souffle messianique, une telle illustration du pouvoir de la foi sur les esprits.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS.

Denis Villeneuve et Patrice Vermette pendant le tournage de Dune : Part Two

Et c’est un cinéaste québécois, entouré aussi de quelques artisans québécois, qui est en train de redéfinir le cinéma de science-fiction occidental, même s’il parle l’anglais avec un accent à couper au couteau. Comme tout bon prophète, il s’est entouré de disciples et Villeneuve a trouvé en Patrice Vermette son Giger ou son John Williams en Hans Zimmer. Le réalisateur n’aurait pas pu mener jusqu’au bout sa vision sans l’apport des meilleurs dans leurs professions. Le son, la musique, les décors, les costumes, la cinématographie, tout dans ce film est époustouflant. J’ai été tellement impressionnée par le travail artistique sur Dune : Part Two que j’en oubliais l’histoire, que je connais déjà. J’ai failli pleurer devant la beauté et la dureté d’Arrakis, qui a sculpté l’âme du peuple Fremen. J’étais enfin sur Dune, et l’image que m’en donne Villeneuve surpasse celle que j’avais en tête depuis la lecture du roman il y a longtemps. Tellement que je lui pardonne les libertés, parfois très audacieuses, qu’il a prises avec l’histoire originale.

Le cinéma de science-fiction a été fondamental dans ma cinéphilie, au même titre que les films de Pierre Perrault ou de François Truffaut. Sortir de cette planète, aller dans l’espace, se projeter dans le futur, c’est imbattable avec un bon pop-corn pour s’extraire de cette existence parfois écrasante. Voir E. T., de Steven Spielberg, à 12 ans a changé ma vie, car ensuite, je n’ai pas pu vivre sans le cinéma. J’ose croire que le diptyque Dune de Villeneuve, qui se transformera peut-être en trilogie sinon plus, fera le même effet à une nouvelle génération de spectateurs qui devraient prendre une pause des jeux vidéo et se laisser éblouir par le septième art. C’est la grâce que je leur souhaite.

Lisez la critique de Manon Dumais de Dune : Part Two : « En attendant le Messie »

En salle le 1er mars, certains cinémas offrent des représentations le 29 février.