Après la somptueuse adaptation des deux premiers tiers du premier tome de la saga romanesque culte de Frank Herbert, Denis Villeneuve, sans surprise, se surpasse avec ce haletant deuxième volet aux accents mystiques. Figure messianique torturée, Paul Atréides, incarné par l’incandescent Timothée Chalamet, y cherche à venger l’assassinat de son père avec le soutien des Fremen.

« Ce n’est que le commencement », promettait Chani (Zendaya, qui boude et fronce les sourcils la plupart du temps), redoutable guerrière fremen, à Paul Atréides, héritier du défunt duc Leto, à la fin de Dune (2021). Promesse tenue. Denis Villeneuve ayant magistralement imposé sa vision de l’univers de Frank Herbert, notamment grâce à l’inestimable contribution du directeur artistique Patrice Vermette (Arrival), le voici qui signe une suite encore plus spectaculaire. Outre de nouveaux visages, on y découvre de magnifiques décors du chef décorateur Shane Vieau (The Shape of Water, de Guillermo Del Toro).

Suite logique

Tandis que Chani résumait le récit à venir au début du premier volet, c’est au tour de la princesse Irulan (Florence Pugh, décorative), fille de l’empereur Padishah Shaddam IV (Christopher Walken, terne), de reprendre la narration. Un choix qui s’avère logique puisque ce sont les écrits de ce personnage aux prétentions littéraires, comme la décrit dame Jessica à la fin du roman, qui se retrouvent en exergue de chaque chapitre de Dune. Si la planète Corrin, où évolue la famille impériale, a des airs enchanteurs comme Caladan, planète des Atréides, c’est surtout le Sietch Tabr, grand campement souterrain des Fremen, qui frappe l’imagination dans ce nouveau volet.

Leurs ennemis et alliés les croyant morts dans le désert, Paul et sa mère, Lady Jessica (Rebecca Fergusson, intense), enceinte d’Alia (Anya Taylor-Joy, énigmatique), se terrent chez les Fremen. Si certains membres de ce peuple pionnier d’Arrakis, seule planète où l’on produit l’Épice, précieuse source de longévité et de prescience, voient d’un mauvais œil l’arrivée de ces étrangers, leur chef Stilgar (Javier Bardem, hilarant) croit fermement que Paul est le Lisan al-Gaib (la voix venue d’ailleurs) annoncé par la prophétie.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS.

Javier Bardem dans Dune : Part Two, de Denis Villeneuve

Hanté par des visions d’un futur sombre, désireux de venger son père, Paul tente de changer le cours de l’histoire en luttant aux côtés des Fremen contre les cruels soldats du despote baron Vladimir Harkonnen (Stellan Skarsgård, brandoesque) et les sanguinaires Sardaukar envoyés par l’Empire. Viendra prêter main-forte à Paul nul autre que Gurney Halleck (Josh Brolin, truculent), maître d’armes du duc Leto recyclé en contrebandier, qui, fidèle au roman, poussera la chansonnette en s’accompagnant à la balisette – ce dont Villeneuve avait privé les spectateurs dans le précédent volet.

Maître de la science-fiction

Parmi les nouveaux personnages, notons dame Margot (Léa Seydoux, évanescente) et Feyd-Rautha (Austin Butler, terrifiant), frère de Rabban (Dave Bautista, bestial) et neveu du baron. Ces derniers apparaissent dans des séquences tournées en noir et blanc d’une beauté glaçante. Ce surprenant choix esthétique laisse ainsi supposer que le soleil à faible intensité de la planète Giedi Prime, où l’on tue et torture les esclaves pour le plaisir, fait disparaître toutes les couleurs. Par ailleurs, les plans où l’on montre l’ampleur de l’armée des Harkonnen, saluée par une foule en délire, évoquent efficacement les images pas si lointaines d’un régime totalitaire.

Bénéficiant de la remarquable photo de Greig Fraser, du montage précis de Joe Walker et de l’hypnotique bande sonore de Hans Zimmer, eux aussi oscarisés pour Dune, les scènes de batailles, aériennes et terriennes, qu’orchestre avec brio le cinéaste n’ont rien à envier à celles mises en scène par les Kurosawa (Ran), Coppola (Apocalypse Now), Spielberg (Saving Private Ryan) et Scott (Napoléon).

Aperçus dans le premier volet, les gigantesques vers de sable aux multiples dents effilées feront l’objet d’époustouflantes chevauchées dans le désert.

Au-delà de son opulence, ce prodigieux space opera aux accents mystiques de Denis Villeneuve, qui confirme son statut de maître de la science-fiction, illustre de manière percutante les dérives du colonialisme, du capitalisme sauvage et du fanatisme religieux. À cet égard, dame Jessica, qui devient révérende mère, rappelle les fous de Dieu et autres gourous charismatiques profitant de la naïveté des plus vulnérables.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS.

Rebecca Fergusson dans Dune : Part Two

Enfin, comment réagiront les fervents lecteurs de Frank Herbert en découvrant les surprises que leur réserve Denis Villeneuve, telles l’absence ou la disparition de personnages, la chronologie bousculée de certains évènements et la fin différant quelque peu du récit original ? N’en déplaise aux puristes, les libertés qu’ont prises avec le roman le cinéaste et son coscénariste Jon Spaiths, tous deux nommés pour l’Oscar du meilleur scénario adapté avec leur complice Eric Roth pour Dune, n’affaiblissent en rien le récit.

D’une certaine façon, ces changements contribuent à jeter un nouvel éclairage sur le personnage de Paul, qui semble plus complexe et plus tragique que jamais face à un destin qu’il n’a pas choisi. De même qu’à laisser présager que le troisième volet, Dune Messiah, sera grandiose.

En salle le 1er mars

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Dune : Part Two
(V. F. : Dune : deuxième partie)

Science-fiction

Dune : Part Two
(V. F. : Dune : deuxième partie)

Denis Villeneuve

Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Fergusson, Javier Bardem

2 h 46

8,5/10