Les fans ont hurlé à l’intimidation, les producteurs ont entendu.

Début septembre, les nouvelles moutures de Si on s’aimait et d’Occupation double ont doucement glissé dans nos salons, emballées dans d’immenses couvertures chauffantes, qui ont enveloppé les célibataires de bienveillance, d’écoute et de respect.

C’est ce que nous avons réclamé, non ? Plus de guitare sèche réconfortante, moins de sèche tes pleurs, ma sœur.

À Si on s’aimait, les deux couples (sur quatre) qui ne cliquent pas du tout poursuivent leur quête de connexion émotive avec la thérapeute Louise Sigouin, qui ne bouscule plus leur parcours amoureux, jalonné de blessures de honte et de dualités confuses.

Ces candidats en relation platonique cuisinent des pâtes, montent à cheval et s’exercent au tir à l’arc sans aucune étincelle romantique. Il n’y a plus de grand boudage, de chihuahua jappeur, de cri primal sur le balcon d’un chalet ou de chicanes à propos d’une toilette lave-cul.

Les épisodes de Si on s’aimait, duveteux et moelleux, ont été lissés et rabotés. Et l’ensemble fait très Gilmore Girls, avec une visite chez l’antiquaire dans le Nord et un atelier de fabrication de chocolat, un classique de la téléréalité Cupidon.

L’émission de mardi a cependant ramené le bon vieux Si on s’aimait « vintage » quand l’éducatrice en milieu familial, Julie, 44 ans, a parlé d’une expression populaire dans sa famille : « Fais attention, parce que tu vas lui donner mal à la noune. » Comme d’habitude, Alexandre, le bloc de glace de 45 ans, n’a aucunement réagi.

Plus tard dans la même demi-heure, Alexandre s’est complètement figé quand Julie pleurait à un mètre de lui, près du carrefour ferroviaire où sa petite sœur a été mortellement happée par un train, il y a 20 ans. Un câlin, une main sur l’épaule, une parole tendre, fais quelque chose, Alexandre !

Mis à part à ces deux malaises, ça roucoule à Si on s’aimait, au point que la prof Marie-Josée, 48 ans, songe à un tatouage de volée d’outardes, qui inclurait la famille du menuisier Julien, 44 ans, l’homme qui répète le plus souvent « wow, t’es belle, wow t’es hot, wow t’es fine » par minute.

IMAGE TIRÉE DE L’ÉMISSION

Marie-Josée dans l’émission Si on s’aimait

C’est pourtant ce que nous avons demandé, non ? De la gentillesse et de l’indulgence, au détriment de la bassesse et de la médisance.

Même fleuve tranquille à Occupation double Andalousie, qui a consacré un épisode complet à la fabrication d’une pizza du commanditaire Salvatoré, dont tout le monde se sacrait comme de l’adrénalinologie de Nissan.

Pas de bisbille dans les deux villas, à peine un accrochage sur la vaisselle sale du côté des filles. Et personne ne « brouille du noir », pour paraphraser l’infirmière saguenéenne Marie-Andrée pendant sa phase de « délirium ».

C’est ce que nous voulions, n’est-ce pas, après le scandale de l’intimidation des trois zigotos toxiques à Occupation double Martinique ? De la télé plus respectueuse, plus avenante. Alors, c’est que nous obtenons cet automne et, fausse alerte au divulgâcheur, c’est ennuyant sur un chaud temps.

Je veux dire, personne n’encourage la violence psychologique à la télé, mais il existe sûrement un moyen de pimenter les épisodes afin qu’ils ne soient pas aussi fades et ternes.

Peut-être que les concepts de bienveillance et de téléréalité amoureuse ne s’arriment juste pas. Même L’amour est dans le pré, le titre le plus aimable et gentil de la télé québécoise, en a arraché l’hiver dernier avec une saison parmi les moins captivantes de son existence.

À OD, on sent que la production s’implique beaucoup moins dans l’écriture de l’histoire et qu’elle ne provoque plus de conflits avec des « twists » déstabilisantes pour les concurrents. On laisse le « flow couler », diraient les participants, et on observe… pas grand-chose.

Ce qui est paradoxal, c’est que la demande pour de la télé réconfortante n’a jamais été aussi forte. Sur Netflix, des séries doudous comme Virgin River, À l’ombre des magnolias, Ginny et Georgia ainsi que Toujours là pour toi caracolent au sommet du palmarès à leur sortie. Préparez-vous aussi au retour fracassant des films de Noël de type Hallmark, prévisibles et sucrés, mais hyper fréquentés.

Dans les centaines de messages que vous m’envoyez (merci, d’ailleurs), vous déplorez la violence qui s’infiltre dans toutes les séries actuelles dont À cœur battant, Alertes, 5e Rang ou Plan B. Ça vous irrite. À l’opposé, le téléroman le plus proche d’une série réchauffe-cœur, Les moments parfaits de TVA, passera à la trappe dans quelques semaines, faute de cotes d’écoute astronomiques, notamment.

On veut du beau, de l’inspirant et de l’attendrissant dans nos écrans, mais on se garroche tous sur STAT et Indéfendable, deux séries quotidiennes au rythme haletant, qui demeurent les plus regardées – et de loin – dans les chaumières québécoises.

Et quand une téléréalité nous présente son profil moins anguleux, ouache, on bougonne, on râle, c’est plate, il ne se passe rien, on veut de la pagaille !

Bref, nous n’envoyons pas de signaux clairs à ceux qui fabriquent la télé québécoise, qui sont mêlés comme des jeux de cartes, ça se comprend. Après une délibération peu corsée dans OD, Johanel, 28 ans, a bien résumé le climat d’embrouillamini qui règne chez les téléspectateurs : « On n’y a pas trop pensé, ç’a été très cérébral comme processus. »

Avec des leaders d’opinion comme ça, on peut bien tous être mélangés.