Avant de partir pour la gloire, le joueur de tennis Charles Rivard (excellent Éric Bruneau) a pris le plus long corridor. Celui-là sans fenêtre, le plus sombre, celui qui mène à l’envers de son corps.

Comme dans la populaire chanson de Laurence Jalbert, sortie en 1993, il y a 30 ans déjà, une marée de glace montante le remplit, mais sous forme de bain thérapeutique très, très froid. Une solution temporaire pour soulager le mal de dos chronique de Charles Rivard, qui l’empêche d’atteindre son plein potentiel sur le court.

Avant un match crucial, oui, un sentiment bizarre l’envahit. Il s’agit de l’anxiété, que Charles Rivard réprime avec de l’alcool ou des somnifères. Un mal de soi immense qu’il cache à l’intérieur, ajouterait la flamboyante Laurence Jalbert, aussi perspicace que clairvoyante.

En fait, le seul corridor qui permet à Charles de chercher en lui ce qu’il reste de meilleur, c’est celui du stade du parc Jarry qu’il emprunte pour fouler le terrain principal de l’Omnium de Montréal, où sa carrière peu impressionnante ressuscite de façon quasi miraculeuse.

Trêve d’analogie musicale douteuse, vous verrez le parcours cahoteux de cet athlète aux cheveux peroxydés à la Andre Agassi dans la très bonne série Virage – Double faute, que Noovo lance ce mardi, à 20 h, contre Les bracelets rouges à TVA et À cœur battant de Radio-Canada. Costaude soirée de fictions au programme.

Virage – Double faute s’avère une production efficace, rythmée et punchée, coécrite par Éric Bruneau, Marie-Hélène Lebeau-Taschereau et Louis Morissette, qui y tient également un rôle important, celui de l’entraîneur d’élite Sylvain Carrier.

Le premier épisode débute dans un tournoi mineur – un challenger – à Saguenay. Classé 187e au monde, Charles Rivard (Éric Bruneau), quasi à la mi-trentaine, vivote sur le circuit professionnel. Il couche dans des motels miteux, souffre de troubles anxieux et survit grâce aux commandites de l’entreprise familiale de camionnage.

Espoir chez les juniors, l’exubérant Charles Rivard, qui a les ongles peints en noir, a frappé à la porte du top 50 avant de s’effondrer, largué par son coach et démotivé par sa stagnation au classement de l’ATP. La retraite le guette. Mais quand Charles, dont le parcours ressemble à celui de Simon Larose, croise son ex-entraîneur de Tennis Canada Sylvain (Louis Morissette), il sent que c’est sa dernière chance de grimper au sommet.

Les séquences de tennis dans Virage – Double faute ont été tournées avec minutie et réalisme par Rafaël Ouellet, le cinéaste derrière le haletant thriller Arsenault & fils, offert sur Crave. Éric Bruneau, qui reprend même les tics d’Alexander Zverev, sait manier la raquette et il a le physique élancé d’un vrai joueur de tennis. Test de crédibilité passé.

Le plus captivant dans Virage, c’est la relation tordue qu’entretient Charles avec sa mère psychorigide Françoise (toujours juste Sylvie Léonard), une ancienne championne de tennis qui projette sur son fils ses propres rêves jamais réalisés.

Françoise a entraîné Charles à ses débuts de manière militaire, glaciale, sans empathie. La douleur, c’est dans ta tête, tu souffriras plus tard, lui répète-t-elle. Un peu comme Richard Williams l’a fait avec ses deux filles championnes Serena et Venus.

Cette méthode (préconisée aussi par le père de Jennifer Capriati) produit des as, bien sûr, mais détruit à long terme la psyché du joueur. Françoise pousse et picosse, tandis que Charles, déçoit constamment, incapable d’atteindre les standards que sa maman lui impose. Et Charles part en vrille.

Cigarette, bière, médicaments, cocaïne, tout pour se geler les émotions.

Le père Claude (Denis Marchand) et le grand frère Hubert (Karl Farah) de Charles comptent également sur lui pour renflouer les coffres de leur entreprise de transport. L’entente ? L’entreprise finance la carrière de Charles, mais l’entreprise absorbe la moitié des bourses que récolte Charles. Tout pour créer des relations malsaines au sein du clan.

Pas besoin de connaître à fond le tennis pour apprécier Virage – Double faute, qui comprend huit épisodes d’une heure. Il s’agit d’un drame sportif classique qui transcende les lignes du terrain et qui parle de pression, de dépendance, de performance et de liens familiaux complexes.

Mini-divulgâcheur, en terminant. Oui, Charles Rivard repeindra sa vie loin de tous les cadres jaunis. Et très bientôt, il trouvera la sortie. Merci, Laurence Jalbert, pour ces mots inspirants, qui sonnent et qui résonnent, merci, Céline, également.

Chiffrier dominical

Voici les résultats du premier chiffrier dominical de 2023, qui place TVA en première place avec le gala Célébration (1 290 000 téléspectateurs), les Bloopers (833 000) et le bien cuit ComediHa ! de Lise Dion (837 000).

Chez Noovo, la mise en orbite de Big Brother Célébrités a été suivie par 771 000 curieux, un bon score qui a cependant diminué légèrement par rapport aux 807 000 personnes confinées qui étaient présentes devant leur poste l’an dernier au même moment. À Radio-Canada, les meilleurs moments de Tout le monde en parle ont été visionnés par 459 000 fidèles. La grand-messe de Guy A. Lepage recommence dimanche à 20 h, alors que les fauteuils de La voix pivoteront à TVA pour la première fois depuis 2020.