Ça s’est passé l’été dernier au stade IGA du parc Jarry. Après un match de Félix Auger-Aliassime, Éric Bruneau a emprunté le sombre corridor menant au court central pour émerger, en plein soleil, devant une foule de 12 000 spectateurs. « C’était comme si j’avais gagné à Rêves d’enfants », raconte l’acteur.

L’incursion d’Éric Bruneau était réglée au quart de tour et, surtout, filmée. Avec le soutien d’Eugène Lapierre, alors directeur de l’Omnium Banque Nationale, la maison de production KOTV avait obtenu du circuit international masculin (ATP) la permission de tourner des scènes pour Virage – Double faute, une nouvelle série de fiction sur l’univers du tennis, que Noovo présentera dès mardi.

Grand amateur du sport de prédilection de Roger Federer, le comédien et coauteur du drame a savouré le moment. « Ce sont les joies du métier d’acteur : ça nous permet de vivre des choses qu’on n’aurait jamais la chance de vivre normalement. C’était extraordinaire ! »

Éric Bruneau a répété l’expérience quelques semaines plus tard, une fois le tournoi bouclé, devant 1000 figurants, histoire de permettre au réalisateur Rafaël Ouellet (Arsenault & Fils) de capter d’autres séquences de jeu sans être pressé par l’arrivée imminente d’un Nick Kyrgios. « Jouer devant du monde, c’est différent, indique Éric Bruneau. La première demi-heure, j’étais tendu. Après, j’ai relaxé. »

L’acteur, qui signe les textes de Virage – Double faute avec Louis Morissette (Le mirage) et Marie-Hélène Lebeau-Taschereau (Conseils de famille), s’est entraîné pendant 18 mois, avec l’aide de professionnels comme Sylvain Bruneau, ex-entraîneur de Bianca Andreescu, pour s’assurer d’être crédible devant l’objectif, chose qui échappe parfois aux superproductions hollywoodiennes. (Pas besoin d’être un expert pour savoir que Kirsten Dunst n’avait probablement jamais tenu de raquette dans ses mains avant d’amorcer le tournage de Wimbledon en 2003.)

« Je jouais déjà au tennis, mais j’étais un joueur de ligue de garage, un peu tout croche. »

PHOTO ÈVE B. LAVOIE, FOURNIE PAR NOOVO

Éric Bruneau sur le court dans Virage – Double faute

En dépit de son bon niveau de jeu, Éric Bruneau a décidé, sur les conseils de Marc Messier, de retenir les services d’une doublure (Washi Gervais). Il faut dire que Messier s’y connaît en matière de fictions sportives, ayant joué dans chaque saison de Lance et compte.

Sa suggestion s’est avérée judicieuse.

On a tourné le tennis pendant 9 jours, 14 heures par jour. Je vais avoir 40 ans. Physiquement, c’était trop exigeant pour moi. Un moment donné, mon corps était fatigué.

Éric Bruneau

Le négligé

Dans Virage – Double faute, Éric Bruneau défend le rôle de Charles, un joueur de tennis rongé par l’anxiété, qui n’a jamais réussi à engranger des résultats suffisamment impressionnants pour combler sa mère (Sylvie Léonard). Alors qu’il songe à prendra sa retraite, il croise son ancien entraîneur (Louis Morissette) et décide d’essayer d’atteindre le haut du classement.

« Je n’avais pas envie de raconter l’histoire d’un champion du monde, parce qu’on fait tout le temps des films là-dessus, explique le scénariste. Je voulais parler d’un underdog qui voit sa date de péremption arriver et qui tente un ultime push. »

« C’est une série qui parle de tennis, mais ce dont je voulais vraiment parler, c’est de transmission. Scorsese a déjà déclaré que Raging Bull, ce n’était pas un film de boxe ; c’était un film sur ses propres dépendances. Dans Virage, le tennis, c’est un prétexte pour parler de relations familiales, de la pression des parents... Chaque fois qu’on regarde un match de tennis, la famille est toujours présente. C’est souvent elle qui paie l’entraîneur. Ça crée des tensions dramatiques super intéressantes. »

Retomber amoureux de son métier

Éric Bruneau continue de frapper des balles depuis Virage – Double faute. C’est d’ailleurs au Midtown Sanctuaire, un club de tennis de Montréal, qu’il a répondu à notre appel. En attendant de fouler un court, il poursuivait l’écriture des nouveaux épisodes d’Avant le crash, qui pourraient être tournés plus tard cette année, si Radio-Canada renouvelle sa commande. Le contraire serait surprenant : l’automne dernier, la première saison du thriller existentiel qu’il signe avec Kim Lévesque-Lizotte, sa conjointe, a récolté un succès critique et populaire (moyenne de 873 000 téléspectateurs, selon Numéris).

« J’ai tendance à rester humble, mais le monde m’en parle chaque jour. C’est vraiment grisant de voir à quel point la série a touché les gens. Au début, on parlait beaucoup du milieu des finances, mais pour nous, c’était un prétexte pour parler des rapports humains, de dominants/dominés, des effets pervers du système capitaliste, etc. »

PHOTO SERGE GAUVIN, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Émile Proulx-Cloutier, Benoit Drouin-Germain, Éric Bruneau et Mani Soleymanlou dans Avant le crash

L’aventure Avant le crash a permis à Éric Bruneau de « retomber en amour » avec son métier.

« Comme acteur, tu dépends énormément du désir des autres. C’est pour ça qu’il y a plein d’acteurs qui virent débiles ! Je n’ai pas envie d’attendre d’être choisi ou pas, de laisser les autres décider. Je veux développer des projets, donner des idées, mais aussi jouer. C’est beaucoup de travail, mais je veux continuer de faire les deux. »

J’aime vraiment ce métier. Je trouve qu’on produit de bonnes séries, de bons films. On est chanceux d’avoir une industrie aussi riche. Il faut continuer d’en prendre soin.

Éric Bruneau

Pas de quiz

L’année 2023 promet encore d’être belle pour Éric Bruneau. Outre l’éventuelle suite d’Avant le crash, son agenda comprend le tournage d’un film mystère, prévu à l’été. Il pourrait aussi être appelé à voyager, puisque La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, la première série de Xavier Dolan dans laquelle il donne la réplique à Patrick Hivon, Julie Le Breton et Magalie Lépine-Blondeau, a été sélectionnée au Festival de Sundance aux États-Unis, qui aura lieu plus tard en janvier. L’offrande du Club illico atterrira ensuite sur Canal+, en France.

« Dans la même année, j’ai écrit avec ma blonde, j’ai travaillé avec des créateurs hallucinants... Ça sonne quétaine, mais c’est vrai. J’ai tourné avec Xavier Dolan, Stéphane Lapointe [Avant le crash] et Rafaël Ouellet. Et chaque fois, le casting était hallucinant : Émile [Proulx-Cloutier], Karine [Vanasse], Mani [Soleymanlou], Benoit [Drouin-Germain], Sylvie [Léonard], Louis [Morissette]... Je suis chanceux. »

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

Éric Bruneau dans La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé

Bien qu’il soit omniprésent en ondes (il tient également un rôle dans Sugar sur Prime Video), Éric Bruneau ne craint pas (vraiment) la surexposition.

« J’y ai pensé, mais tu sais, il y a des acteurs qui sont à la télé tous les jours et qui sont sur Facebook, Twitter ou Instagram tous les jours. Et mes projets sont tellement différents... »

« Mais je suis conscient [du danger]. C’est sûr que je n’irai pas animer un quiz. »

Virage – Double faute, sur Noovo, dès mardi à 20 h