Née à Montréal en 1996 de parents sénégalais, Madeleine Sarr a grandi dans Villeray. C’est en regardant l’émission La petite vie, avec son père, qu’elle découvre le plaisir de jouer. Et commence à se fasciner pour ce métier. Au secondaire, à Père-Marquette, l’adolescente se joint à une troupe de théâtre parascolaire. Mais la jeune femme ne se fait pas d’illusions sur son avenir en théâtre.

« C’est quelque chose que mes parents ne me voyaient pas faire, se souvient-elle. Ma mère m’a gentiment proposé après le cégep d’aller à l’université “dans quelque chose de plus sérieux”. Je répétais à ma mère : veux-tu que je devienne médecin et gagne 200 000 $ par année en étant malheureuse ? J’aime mieux manger des pâtes et faire du théâtre [rires]. »

Il faut dire qu’au début des années 2000 au Québec, le milieu du théâtre et de la télévision lave plus blanc que blanc.

Plus jeune, mes modèles étaient des actrices blanches ; les Noires à la télé québécoise étaient très rares. À 14 ans, je ne m’en rendais pas compte, mais aujourd’hui, je réalise que j’ai manqué de modèles. Et aussi d’histoires et de récits en fiction plus proches de ma réalité.

Madeleine Sarr

Or, ses parents n’ont pas du tout découragé leur fille lorsqu’elle leur a annoncé qu’elle voulait entrer à l’École nationale en 2016. « Et aujourd’hui, mes parents sont super contents pour moi », dit-elle.

Pourquoi on l’a choisie

Parce qu’elle est la lauréate du prix de l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT) pour la meilleure interprétation féminine, pour son rôle dans Rome, sous la direction de Brigitte Haentjens, créée à l’Usine C en 2023.

Les choses changent

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

La comédienne Madeleine Sarr, en décembre 2023, dans les studios de La Presse.

Entre ses débuts à l’École nationale et aujourd’hui, les choses ont changé à la vitesse grand V ! « Je regarde Viola Davis, Lupita Nyong’o et plusieurs autres actrices noires. Je travaille de plus en plus avec des collègues d’origine haïtienne et africaine, dit-elle. Notre morphologie, nos traits du visage, notre manière de bouger… tout ça n’est pas pareil. J’ai entamé comme un travail de déconstruction. »

Promotion COVID-19

La comédienne de 27 ans a terminé sa formation en jeu… au début de la pandémie, quand toutes les salles ont fermé. « En quittant l’école de théâtre, c’est déjà le néant. Avec la COVID, c’était comme un double néant ! Mais tout le monde était dans le même bateau et je ne suis pas de nature inquiète. »

Puis tout a déboulé. Après les auditions du Quat’Sous, en 2021, on lui offre des projets, des laboratoires. Le professeur et directeur de l’ENT, Frédéric Dubois, lui propose alors de reprendre À quelle heure on meurt ? au Quat’Sous.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Durant une lecture d’Antoine et Cléopâtre, avant la création du spectacle-fleuve Rome au printemps dernier

Puis viendront les rôles à la télé et un appel de Brigitte Haentjens pour jouer dans Rome. « Je croyais qu’elle allait me proposer de faire une plébéienne, qu’on aperçoit au fond en arrière-scène… Mais non : elle m’offre Cléopâtre ! » En recevant le Prix de la critique en décembre dernier, elle a eu ses notes : « Son interprétation de Cléopâtre a su insuffler une vision unique, étonnante et marquante à une figure historique pourtant fort connue », a écrit le jury montréalais. En concluant qu’elle avait « ébloui la critique »…

La carrière de cette jeune première qui rêve de jouer plusieurs grands rôles est lancée !

Son actualité
de l’année 2024

Cette année, Madeleine Sarr sera Nina dans La mouette, une adaptation de Guillaume Corbeil du classique de Tchekhov, mise en scène par Catherine Vidal. Le spectacle sera à l’affiche du Prospero, du 12 au 30 mars, puis au Théâtre français du CNA à Ottawa, du 11 au 13 avril. Elle fera aussi partie du tournage de la saison 3 de Cérébrum. « Mais je ne peux pas en dire plus », dit-elle.