Après une première visite remarquée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui la saison dernière, le spectacle multidisciplinaire Pisser debout sans lever sa jupe est de retour pour souligner à traits tantôt fins, tantôt plus grossiers les aléas d’une quête identitaire loin des diktats et des clichés.

Au début, il y a les étiquettes. Celles qu’on s’accole les uns aux autres ou dans lesquelles on se drape pour essayer de trouver sa place, sa communauté. Olivier Arteau, chef d’orchestre de cette œuvre collective à huit voix, abhorre ces raccourcis réducteurs. Il a donc décidé de les attaquer de front avec une bonne dose d’autodérision.

C’est sous une kyrielle d’étiquettes délirantes – polyfurieuse, pandépressive ou encore biradicale – que les interprètes se présentent sur scène en début de spectacle. Pendant une heure et demie, tout ce beau monde va remettre en question ces courtes descriptions pour mieux tenter de les déconstruire.

Ainsi, dans une première partie, une bande d’amis aux identités sexuelles et de genre diverses se retrouvent pour l’enterrement de jeune fille d’une des leurs. La soirée va mal tourner. Et une question va émerger des reproches qui seront lancés : comment être véritablement soi-même dans un monde où tous se sentent forcés de suivre les règles strictes de leur communauté ? Faut-il être forcément (et exclusivement) ceci ou cela ? Faut-il surtout toujours agir en conséquence ?

PHOTO FOURNIE PAR LE CENTRE DU THÉÂTRE D’AUJOURD’HUI

Laurence Gagné-Frégeau

En deuxième partie, le spectacle prend une tournure plus intime, alors que certains interprètes viennent au micro confesser une honte qui les ronge depuis longtemps, dans l’espoir de la voir se métamorphoser en quelque chose de plus doux. Dans ce segment autofictionnel, l’ombre l’emporte sur la lumière. Certains témoignages sont très touchants, d’autres ébranlent notre bien-pensance. Certains passent par les mots, d’autres par la danse ou le chant. Tous sont empreints toutefois d’une grande (et parfois vacillante) humanité.

Et c’est dans l’espoir, avec un numéro musical lumineux et bouleversant – porté par la voix envoûtante de Laurence Gagné-Frégeau –, que le spectacle se termine.

Des interprètes lumineux

Olivier Arteau, nouvelle coqueluche de la mise en scène, souhaitait avec Pisser debout sans lever sa jupe provoquer une réflexion sur la difficile construction identitaire et sur une possible façon de s’affranchir du regard des autres pour être véritablement soi. Il y arrive à moitié avec ce texte où l’impudeur l’emporte malheureusement sur la profondeur.

Les performances sont certes souvent magistrales – le danseur Fabien Piché est magnétique et Vincent Roy brille par son charisme, tout comme Ariel Charest, « alliée straight » à la langue bien pendue –, mais l’ensemble est inégal. Comme si Arteau et sa bande avaient voulu tirer dans tous les sens avec ce spectacle protéiforme, sans en trouver la véritable voix.

Mais peut-être que dans l’urgence de dire, de dénoncer, de s’exprimer et de mettre la hache dans les clichés pour respirer un peu mieux, ce foisonnement un brin bordélique était inévitable. Le spectateur décontenancé pourra toujours se raccrocher aux émotions vives qui l’empoigneront parfois et aux quelques images fortes qui lui colleront à la rétine. C’est déjà un beau cadeau.

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Pisser debout sans lever sa jupe

Pisser debout sans lever sa jupe

Texte et mise en scène d’Olivier Arteau, avec Ariel Charest, Laurence Gagné-Frégeau, Lucie M. Constantineau, Jorie Pedneault, Fabien Piché, Vincent Roy, Zoé Tremblay Bianco et Sarah Villeneuve-Desjardins.

Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Jusqu’au 6 mai.

6,5/10