Après deux maxis en anglais qu’elle avait autoproduits, Arielle Soucy a lancé en octobre 2023 sous étiquette Bonbonbon un premier album complet écrit majoritairement en français. Il n’y a rien que je ne suis pas a été une des surprises de l’automne, qui s’est faufilée dans bien des tops de fin d’année.

Si elle loue le travail de son équipe, Arielle Soucy ne sait trop comment expliquer cet engouement. « J’imagine que mon approche un peu moins parfaite a touché les gens. Avec la technologie, il y a beaucoup de productions parfaites, moi, ce n’est pas ce qui m’allume. La musique que j’écoute, elle est très live, très organique. »

Pourquoi on l’a choisie

Dans Il n’y a rien que je ne suis pas, album au folk intemporel et mélodique, Arielle Soucy déploie une intelligence musicale renversante. Sa quête intérieure nous touche, son travail sur la voix nous ravit, et l’ensemble dévoile une autrice-compositrice-interprète au talent unique.

À 30 ans, Arielle Soucy a un bagage musical et personnel qui donne à son album beaucoup de maturité et de profondeur. Sa formation, elle l’a faite en chant classique à l’Université Concordia, mais elle a aussi fait du jazz et de l’impro, travaillé dans un café et chanté dans une église tous les dimanches, suivi des cours de composition et de songwriting. Elle a même entrepris une maîtrise sur le rapport entre les religions et la composition.

« Je me demande ce que ça veut dire maintenant, faire de la musique spirituelle qui ne serait pas reliée à la religion. C’est la question qui m’habite. »

Cette question qui figurera certainement dans son prochain album teinte Tout ce que je ne suis pas, mais son thème central est surtout la difficulté de s’accepter tel qu’on est. « C’est un chemin de croix. On résiste beaucoup, c’est normal. On ne veut pas avoir mal, on a peur… Je travaille là-dessus ! »

0:00
 
0:00
 

L’écriture de l’album aura donc été thérapeutique, et on y trouve des perles de sagesse. « Chaque personne que j’aime contient une partie de moi, chaque partie de moi contient une partie de moi », chante-t-elle dans la très belle Une chose à la fois. Ce genre de réflexion arrive normalement un peu plus tard dans la vie, lui fait-on remarquer.

C’est quelque chose qu’on m’a dit. J’ai beaucoup rushé dans ma vie, anxiété et dépression, mais quand mon père est mort, j’ai compris plein d’affaires. Dans un sens, ça m’a illuminée sur plein de choses.

Arielle Soucy

Inspirée par un ami poète, Arielle Soucy a écrit les textes à la machine à écrire, une méthode qu’elle a trouvé libératrice. « Il y a quelque chose de plus intentionnel. Avec un beau papier, c’est plus long, tu dois réfléchir, te concentrer. Ce qui sort, c’est ce que tu veux dire. C’est juicy, je trouve. »

Le choix de la langue s’est fait de manière naturelle – la chanson-titre est même littéralement bilingue : une première partie en anglais et la suite en français. La chanteuse aime bien jouer avec les langues, ce qui lui permet d’être une autre « petite version » d’elle-même, sans calcul. « Le titre de mon album, c’est un peu ça que ça veut dire, briser les barrières, ne pas s’empêcher. Il y a des chansons dans les deux langues pour aucune autre raison sauf que ça me tentait ! »

0:00
 
0:00
 

Harmonies

Arielle Soucy aime le folk et c’est sa principale inspiration. « C’est la sincérité, la capture d’un moment. » Si elle compose à la guitare, elle a insufflé dans le sien tout son amour du chant choral et de la musique classique, et se promène entre le médiéval – « Le modal, c’est le fun ! » – et le bluegrass.

« Ce sont toutes des choses où il y a des harmonies de voix. Pour moi, ça marche ensemble. » Elle a d’ailleurs beaucoup soigné les arrangements vocaux – ils sont fabuleux –, et chante elle-même toutes ses harmonies. En fait, la multi-instrumentiste a pas mal tout fait sur cet album, même la réalisation, à environ 75 %.

0:00
 
0:00
 

« J’avais quand même une vision claire d’où je voulais emmener mes trucs. C’était une façon de prendre mon pouvoir. » Elle s’est d’ailleurs inspirée d’artistes du hip-hop comme Erykah Badu, qui fait « tout toute seule », et se verrait dans l’avenir réaliser pour d’autres – peu de femmes le font et cela la « sidère ».

« C’est où qu’on a appris qu’on ne pouvait pas le faire ? Mon premier album, je l’ai réalisé avec un truc gratuit de genre Garage Band. Dans d’autres formes d’art, les gens se débrouillent avec peu d’équipement, mais en musique, c’est comme si ça prenait absolument le dude qui a la machine à 25 000 piasses. Alors qu’ultimement, ça prend juste un micro. »

D’ici cinq ans, Arielle Soucy aimerait avoir des enfants et une maison – « Mais ce n’est pas en cours ! » –, faire des collaborations, question de sortir de sa tanière, et lancer d’autres albums. Le prochain sera peut-être moins guitare, mais toujours acoustique. « Peut-être électro-acoustique, faire du sampling, j’aime ça. Le rap aussi, peut-être qu’un jour, il y en aura. J’ai plein de choses à essayer. »

Ce qui est certain, c’est qu’elle ne manque pas d’idées ni de chansons. Mais elle ne peut s’empêcher d’avoir une petite crainte. « J’ai peur d’avoir déjà atteint le top, et de redescendre. » Franchement, on n’est pas trop inquiets pour elle.

Son actualité de l’année 2024

Arielle Soucy assurera surtout des premières parties au cours des prochains mois, pour Philippe B, Comment debord et Anatole. Elle sera en spectacle à la Sala Rossa le 18 avril.