Si la musique a été le premier amour de Rémi Belliveau, le cinéma l’intéresse depuis longtemps. « Au high school, j’étais celui qui avait toujours une caméra à la main », mentionne-t-iel (l’artiste souhaite que l’on utilise ce pronom).

Les raisons de notre choix

À la croisée du cinéma expérimental, de l’installation, de la sculpture et de la musique, Rémi Belliveau utilise tous les moyens artistiques nécessaires pour réécrire l’histoire acadienne sous la forme d’une fiction. L’artiste s’est d’abord fait remarquer en tant que finaliste pour le Prix Sobey pour les arts 2021. À l’automne 2023, le public a pu constater toute la richesse de son travail dans le cadre de la 18édition de MOMENTA | Biennale de l’image, Mascarades. L’attrait de la métamorphose, dont Ji-Yoon Han était la commissaire.

Mais c’est par une formation en beaux-arts, soit grâce à un baccalauréat à l’Université de Moncton et une maîtrise à Concordia, que Rémi Belliveau a rejoint la communauté artistique et a pu faire des arts visuels son métier. Aujourd’hui, iel réalise notamment des longs métrages dans des contextes d’exposition.

Ce fut le cas du film primé, L’Empremier. Live at Beaubassin, présenté à Vox, centre de l’image contemporaine situé au cœur de l’édifice 2-22 de la rue Sainte-Catherine, à Montréal.

La musique se trouve au cœur même du projet. Nous voici devant un concert fictif de rock progressif du groupe acadien L’Empremier construit à la manière du film Live at Pompeii (1972, 1974) d’Adrian Maben. Dans cette œuvre, le groupe revendique les identités culturelles et de genre, sous une forme hybride, selon une esthétique qui rappelle les années 1970.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Rémi Belliveau

L’Empremier. Live at Beaubassin exploite à la fois les codes du cinéma et ceux des arts visuels : les spectateurs sont invités à s’asseoir devant un écran, comme ils le feraient dans une salle de cinéma, tout en pouvant, ensuite, déambuler autour de certains objets du long métrage. « Je n’ai jamais juste présenté un film […] J’aime l’effet télescopique de voir un objet à l’écran et de réaliser que je me situe à côté de ce même objet. Ça a le potentiel d’aller dans deux sens, soit ça casse la fiction ou ça rend celle-ci hyper réelle », mentionne l’artiste pour qui créer du cinéma en contexte d’arts visuels libère des contraintes de l’industrie. « On fait quelque chose de qualité avec peu de moyens. »

« Je me donne beaucoup de place pour jouer avec les faits »

Les travaux de Rémi Belliveau sont un moyen d’interpréter les archives et l’histoire de l’Acadie. « J’ai l’impression d’avoir une approche de muséologue », mentionne l’artiste qui réunit, falsifie et truque plusieurs objets, témoignages dactylographiés, correspondances, contrats, photos argentiques, etc. L’artiste collectionne et exploite des documents que l’on mettrait en valeur dans une exposition, sur la vie d’un musicien ou d’une musicienne, par exemple. Toutefois, Rémi Belliveau se laisse de la latitude : « Je fais de la recherche historique qui se dirige vers des voies autres que le musée et l’histoire. Je me donne beaucoup de place pour jouer avec les faits. »

Ce processus n’est pas nouveau. Il a débuté dès l’enfance de Rémi Belliveau qui trouvait et accumulait déjà des objets.

J’ai commencé à collectionner des timbres et des pierres précieuses. À l’âge adulte, c’est devenu des vinyles. La collecte a toujours fait partie de ma vie et j’ai voulu essayer de l’intégrer dans ma pratique artistique.

Rémi Belliveau

Cette affection marquée pour l’histoire et la musique acadiennes s’est accrue chez l’artiste quand iel a été employé.e au musée de son village, la Société d’histoire de Memramcook. « C’est là que j’ai appris l’histoire de la communauté acadienne et avec les années, j’ai développé de plus en plus d’intérêts », rappelle-t-iel.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Rémi Belliveau

Il est devenu évident pour Rémi Belliveau, au fil de ses années de création, que les archives et les récits sont partiels et incomplets. Au Nouveau-Brunswick, lieu de prédilection de l’artiste pour ce type de travail, l’histoire est fragmentaire. Selon l’artiste, ce manque s’explique par le fait que la société n’a pas toujours eu les moyens pour documenter son passé et que la province n’a pas le poids démographique pour effectuer de la recherche sur tous les sujets. Ses projets permettent donc de réinventer des récits. « Étant moi-même artiste visuel.le, j’ai vu ce vide-là comme des espaces potentiels de création et d’investigation. C’était embryonnaire en début de carrière et ça s’est de plus en plus concrétisé. »

D’autres histoires à venir

Dans le processus de l’artiste, une œuvre peut prendre de un à trois ans pour se concrétiser. De l’état préparatoire à la production qui peut nécessiter jusqu’à dix heures par jour de travail, Rémi Belliveau se met la plupart du temps dans une posture de recherche pour laisser place à la création et, aussi, pour accumuler de la nouvelle matière culturelle.

Actuellement, l’artiste exploite deux fois plutôt qu’une cette approche. En effet, deux projets se développent en parallèle. Le premier consiste en une fouille de la documentation sur le violoneux acadien Eloi LeBlanc. Le second rejoint la sphère de la magie, de la superstition et de la sorcellerie, une occasion de revisiter les récits acadiens se situant en marge, soit ceux qui ont été occultés au profit de l’histoire officielle véhiculée par le pouvoir religieux des siècles derniers. Déjà, les échos de ces mémoires commenceront à émerger par l’intermédiaire d’expositions dans différents lieux artistiques, à Trois-Rivières, à Alma et à Winnipeg, au cours de l’année 2024. Certainement des projets à suivre pour renouveler notre approche des arts visuels.

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Son actualité de l'année 2024

Rémi Belliveau est actuellement en résidence de création à la Fonderie Darling. Des expositions à Trois-Rivières, à Alma et à Winnipeg seront présentées cette année.