Des centaines de milliers de minuscules perles de verre scintilleront bientôt au soleil sur tout le pavillon canadien, à la Biennale de Venise.

La créatrice de l’œuvre, Kapwani Kiwanga, née à Hamilton et établie aujourd’hui à Paris, souhaite que vous alliez au-delà du verre bleu cobalt qui brille dans la lumière vénitienne et que vous considériez chaque perle comme un personnage.

« Les matériaux sont des documents en eux-mêmes, dit-elle. Ce sont des témoins. »

Les perles utilisées dans son installation, intitulée Trinket, ont été fabriquées sur l’île vénitienne voisine de Murano. Il y a des siècles, des perles similaires étaient utilisées partout dans le monde à la fois comme biens commerciaux recherchés et comme monnaie d’échange. Leur nom, « conterie », vient du mot portugais signifiant « compte ».

« Je n’utilise jamais de matériaux simplement parce qu’ils sont esthétiques, souligne Mme Kiwanga. C’est vraiment leur histoire sociale, culturelle et économique qui me donne envie de m’arrêter sur un matériau. »

Son installation au Pavillon du Canada a été dévoilée mardi, plus d’un an après qu’elle ait été nommée représentante du Canada à la 60e Biennale de Venise.

Mme Kiwanga a déjà présenté des œuvres dans des galeries d’art et des foires de Saskatoon à Dublin et de Londres à Istanbul.

Elle a remporté des prix artistiques majeurs au Canada et en France et a été récompensée par l’Académie britannique des arts du cinéma et de la télévision (BAFTA) pour son travail cinématographique.

Dans son travail, son intérêt se porte sur ce que les matériaux ont à dire d’eux-mêmes. Parfois, ce sont les plantes qui parlent. L’une de ses installations précédentes, Fleurs pour l’Afrique, utilise des fleurs familières comme les glaïeuls originaires d’Afrique.

Ses œuvres peuvent sembler être conçues pour un mariage chic ou le hall d’un hôtel haut de gamme, mais ce sont des reconstitutions de compositions florales créées pour des évènements diplomatiques liés aux négociations d’indépendance des pays africains. Les arrangements se sont progressivement fanés, évoquant des émotions sur le passage du temps et la nature éphémère des choses.

Dans d’autres œuvres, les couleurs parlent au public. Linear Paintings explore des teintes censées favoriser certaines ambiances et utilisées par les designers industriels pour recouvrir les murs des bureaux, des hôpitaux psychiatriques et des prisons.

« Je les considère comme des personnages qui ont été témoins d’un évènement passé, explique-t-elle. L’histoire est le point de départ d’une grande partie de mon travail, même si je pense à notre présent et parfois aussi à notre avenir. Mon intérêt plus large concerne le pouvoir et la dynamique du pouvoir. »

Un honneur de représenter le Canada

Elle souhaite que les gens considèrent son travail comme une sorte de « passerelle ».

« Je n’essaie pas de prouver quoi que ce soit. Je ne cherche pas à prouver un point. Je dis juste qui, comment ou quoi », indique-t-elle.

L’œuvre commence par une vague notion de quelque chose d’intéressant qui jette un peu de lumière sur le fonctionnement du monde.

Ensuite, c’est l’heure des études. Des ouvrages populaires et académiques sur le thème sont consultés, des experts sont interviewés et des archives sont passées au peigne fin. Elle souligne qu’environ 60 % du travail nécessaire à la création d’une nouvelle œuvre est effectué à la bibliothèque et non en studio.

Mme Kiwanga attribue à son diplôme en anthropologie de l’Université McGill les compétences de recherche nécessaires à sa pratique artistique.

Pour son sens du monde, elle attribue un certain crédit à Hamilton. Elle partage désormais son temps entre le Canada, la France et la Tanzanie, mais c’est Steeltown qui lui a montré pour la première fois que le monde est grand.

« J’ai grandi au centre-ville de Hamilton dans un environnement diversifié. Je me souviens que dans ma classe de première année nous avions des gens du monde entier, dont certains venaient tout juste d’arriver. Le monde était déjà dans ce tout petit bout de ma réalité. »

Être choisie pour représenter le Canada à la Biennale de Venise, vieille de près de 130 ans, « a été un grand honneur », a-t-elle déclaré.

Le Canada y est représenté depuis 1952. Cette année, 63 pays y participeront.

Les anciens représentants canadiens comprenaient des artistes illustres comme Alex Colville, Michael Snow et Stan Douglas, ce qui crée une certaine pression, admet Mme Kiwanga.

« Une personne est choisie tous les deux ans, mais il y a tellement d’autres artistes qui auraient pu être choisis et réaliser quelque chose d’extraordinaire. Je me suis sentie responsable. »

Mais le simple fait de participer à un évènement artistique mondial sera un moment fort, selon elle.

La Biennale de Venise se déroulera du 20 avril au 24 novembre.