(New York) Plusieurs auteurs ont refusé des prix et des nominations de PEN America, invoquant leur mécontentement face à la position de l’organisation littéraire et de libre expression sur la guerre à Gaza.

Cette semaine, PEN a annoncé ses listes longues dans des catégories allant du prix Jean Stein de 75 000 $ US pour le meilleur livre au prix PEN/Hemingway de 10 000 $ US pour le premier roman. Parmi les auteurs qui ont demandé que leurs noms soient retirés figurent Camonghne Felix, nommé pour le prix Jean Stein, Eugenia Leigh, finaliste en poésie, et Ghassan Zeineddine, nommé pour les nouvelles.

« J’ai décidé de refuser cette reconnaissance et j’ai demandé à être retiré de la liste longue en solidarité avec la protestation en cours contre la normalisation continue de PEN et la négation du génocide », a écrit Félix, auteur des mémoires Dyscalculia, sur le réseau social X.

Les prix devraient être remis lors d’une cérémonie prévue le 29 avril à Manhattan et animée par l’écrivaine et comédienne Jena Friedman.

Un porte-parole de PEN America a déclaré que neuf des 60 auteurs en nomination avaient demandé que leur nom soit retiré. PEN a également confirmé qu’Esther Allen avait décliné le prix PEN/Ralph Manheim pour la traduction et a ajouté qu’il annoncerait bientôt un nouveau lauréat.

« Nous respectons leur décision et nous célébrerons ces écrivains d’une autre manière », a affirmé Clarisse Rosaz Shariyf, qui supervise la programmation littéraire de PEN.

La réponse de l’organisme à l’invasion de Gaza par Israël, à la suite de l’attaque meurtrière du Hamas du 7 octobre, a été largement critiquée par les auteurs, qui estiment que l’organisation n’a pas réussi à condamner pleinement la guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts chez les Palestiniens, dont des centaines d’écrivains, d’universitaires et de journalistes.

Dans une lettre ouverte publiée en mars et signée par Naomi Klein, Lorrie Moore et des dizaines d’autres personnes, on déplore que PEN n’a « lancé aucun soutien coordonné substantiel » aux Palestiniens et n’a pas respecté sa mission de « dissiper toutes les haines et de défendre l’idéal d’une race humaine vivant dans un climat de paix et d’égalité ».

Les partisans de la lettre contrastaient avec les protestations énergiques de PEN America contre l’invasion russe de l’Ukraine et soutenaient que l’organisation n’avait pas fait grand-chose pour « mobiliser » ses membres contre la guerre à Gaza.

« Les poètes, universitaires, romanciers, journalistes et essayistes palestiniens ont tout risqué, y compris leur vie et celle de leurs familles, pour partager leurs paroles avec le monde, peut-on lire dans la lettre. Pourtant, PEN America ne semble pas disposé à se tenir fermement à leurs côtés contre les puissances qui les ont opprimés et dépossédés au cours des 75 dernières années. »

PEN se défend

Une porte-parole de PEN a souligné que l’organisation avait publié de nombreuses déclarations appelant à un cessez-le-feu et décrié la destruction de musées, de bibliothèques et de mosquées à Gaza, et qu’elle avait contribué à la création d’un fonds d’urgence de 100 000 $ US pour les écrivains palestiniens.

La présidente de PEN America, Suzanne Nossel, a indiqué dans un communiqué qu’elle partageait « la tristesse et l’angoisse face aux coûts horribles de la guerre entre Israël et le Hamas, y compris pour les écrivains, les poètes, les artistes et les journalistes ».

« Nous abordons chaque conflit – Syrie, Irak, Afghanistan, Ukraine, Gaza – selon ses propres conditions, en gardant à l’esprit les complexités, ce que nous pouvons apporter, nos circonscriptions, nos partenaires et nos principes, a-t-elle ajouté. Lorsque nous prenons position, nous ne nous alignons pas sur des États, des armées ou des groupes politiques, mais sur la liberté d’expression et les conditions préalables pour la permettre. »

Ces critiques surviennent avant les évènements très médiatisés du printemps de PEN, notamment ses prix littéraires et son gala de collecte de fonds qui se tiendra le 16 mai au Musée américain d’histoire naturelle de Manhattan. Mme Klein et les autres signataires de la lettre ont laissé savoir qu’ils boycotteraient le festival World Voices de PEN le mois prochain à Los Angeles et à New York, un rassemblement international proposant des tables rondes et des conférences.

PEN continue d’attirer des invités de marque, notamment des opposants à la guerre. Vendredi, PEN a annoncé que le dramaturge et scénariste Tony Kushner était le lauréat cette année du prix PEN/Mike Nichols, précédemment décerné à Tina Fey, Kenneth Lonergan et Elaine May, entre autres.

Marcia Gay Harden, qui a joué dans la production à Broadway de 1993-1994 d’Angels in America, qui a valu le prix Pulitzer à Kushner, et Rachel Zegler, lauréate d’un Golden Globe pour son interprétation du rôle de Maria dans l’adaptation de 2021 de Kushner et de Steven Spielberg de West Side Story, remettront le prix Nichols lors de l’évènement du 29 avril.

« C’est assez intimidant que cet honneur porte le nom de Mike Nichols. Personne n’a jamais mieux compris que lui la manière dont les mots peuvent être interprétés. Mais il y a aussi la liste des anciens lauréats, chacun étant un écrivain que j’adore », a commenté Kushner dans un communiqué.

« Dire que je me sens indigne ne veut pas dire que je n’accepte pas avec joie ! J’ai adoré travailler avec Mike. Il était un artiste fantastique et un ami précieux. Je suis toujours heureux d’être associé à PEN, dont le travail de promotion et de protection des écrivains est encore plus important dans des temps turbulents et troublés comme le nôtre », a poursuivi Kushner, qui est juif et critique depuis longtemps le traitement réservé par Israël aux Palestiniens et a récemment déclaré au journal israélien Haaretz que l’invasion de Gaza par Israël « me semble être un nettoyage ethnique ».

Il a ajouté que l’histoire des souffrances juives ne devrait pas être utilisée « comme excuse pour un projet de déshumanisation ou de massacre d’autres personnes ».