Cléopâtre a 15 ans et elle a été élevée dans la ouate, par une mère seule, archi soucieuse de ne lui offrir que le meilleur : milieu privilégié, enseignement primaire au privé, on comprend rapidement que l’éducation prend une place primordiale chez eux, à tel point qu’il y a même un « temple de la renommée » pour y exposer ses nombreux prix scolaires et autres trophées.

Seulement voilà, sous ses airs de première de classe, l’adolescente croit souffrir d’un mal mystérieux, une grave maladie mentale, un certain trouble dissociatif de l’identité. À preuve : elle n’a aucun souvenir de tout ce que lui rappelle pourtant joyeusement sa mère, ni de son enfance, ni de ses prétendus exploits de jeunesse, tout semble s’être évaporé de son esprit.

Sous ce vernis de légèreté, Laurence Provencher signe ici un premier roman original et dérangeant sur une relation mère-fille particulière, l’amour certes inconditionnel d’un côté, et la pression de la performance de l’autre. Mais il sera aussi beaucoup question de secrets de famille et de transfuges de classe, sujet particulièrement d’actualité ces jours-ci. À l’instar de Rue Duplessis, de Jean-Philippe Pleau, Luxée raconte une histoire de migration où deux mondes sont en opposition. Avec toutes les déchirures que cela sous-entend. Provencher ose en prime une proposition tordue, certains diront cruelle, voire toxique, drôlement bien ficelée et révélée tranquillement au fil des pages, dans un habile compte-gouttes en cul-de-sac. Soulignons le style vif de l’autrice, son écriture fluide et ce souci du détail anodin qui tue et fait sourire (souvent jaune), qui fait qu’on se reconnaît parfois, parfois moins (Dieu merci). Une plume à retenir, assurément.

Luxée

Luxée

Québec Amérique

274 pages

7,5/10