Roman qui arrive comme un cadeau précieux puisqu’on sait que Paul Auster est atteint d’un cancer, Baumgartner aurait pu être un récit triste et crépusculaire. Mais ce serait compter sans la finesse de l’humour, la lucidité parfois terrible, parfois amusée, et bien sûr l’intelligence aussi élégante que redoutable.

Baumgartner est un voyage dans le « palais de la mémoire » d’un prof d’université vieillissant, Sy Baumgartner, dont la femme est morte une décennie plus tôt. Seul dans sa grande maison, il se promène dans les méandres de ses souvenirs, et tout le roman est construit ainsi, à l’image de ce cerveau parfois embrouillé et souvent agité.

On circule ainsi dans un enchevêtrement d’histoires qui ramènent Baumgartner à sa rencontre avec sa femme Anna Blume – personnage récurrent dans l’œuvre de Paul Auster –, à des textes qu’elle a écrits, à l’espoir récent de Baumgartner d’amours nouvelles, à son enfance et même à celle de ses parents.

Dans le chemin tortueux du deuil, des images apparaissent. Se dessine peu à peu la vie d’un homme, de ses racines jusqu’au nouveau bourgeon qui éclot, quand entre en scène une jeune universitaire qui s’intéresse aux écrits d’Anna. Le résultat est un livre puissant et profond sur l’amour et l’attachement, ce qui demeure et ce qu’on oublie.

On ne sait pas si Baumgartner sera le dernier livre de Paul Auster, mais il faut le voir moins comme un testament que comme un roman porté par l’espoir. C’est une œuvre lumineuse, qui brille d’un éclat sombre, certes, mais on en sort nourri et touché, et encore une fois épaté par son talent formel et sa compréhension de l’âme humaine. C’est tout l’art, intact, de Paul Auster.

Baumgartner

Baumgartner

Actes Sud/Leméac

208 pages

8/10