Elle avait fortement capté notre attention avec Les falaises, finaliste du prix des Rendez-vous du premier roman en 2020, pour lequel elle a reçu le prix Jovette-Bernier cette même année. Virginie DeChamplain nous offre Avant de brûler, un deuxième roman qui confirme son talent.

Elle est incandescente, brûlante, ensorcelante, la plume de Virginie DeChamplain. À la fois poétique et brutale, elle aime jouer des contraires, des oxymores. La vie et la mort, le feu et l’eau, le réel et les souvenirs fantômes, l’ardente beauté de la nature qui se fracasse contre le grand vide abyssal de ceux qui ont tout perdu. Aucun n’annule l’autre, tout existe simultanément.

« Tout est blanc. Et vert et noir et tout est mort et vivant à la fois », dit la narratrice dans l’incipit du roman alors qu’elle observe la canopée, avant de poursuivre, quelques lignes plus tard : « Rien existe seul. Tout se retrouve et se rattrape dans le grand mouvement des saisons, chaque source est noyade ou gorgée salvatrice. Je la vois, la beauté d’ici. Je la comprends. Mais elle m’arrive de tellement loin qu’elle se dissipe avant de se rendre à moi. »

Cette narratrice est-elle la même que celle des Falaises ? Sans doute. Mais on est ici après « Les Déluges », là où la maison sur la falaise a été emportée par d’immenses vagues, comme une partie du littoral gaspésien. « Au bord de la rivière, je repense à cette femme qui a été moi et qui refuse de partir, celle debout dans la maison de ma mère, à genoux devant les fantômes qui m’aimaient [...], j’ai les cheveux mouillés du déluge encore, les échardes qui refusent de guérir. »

Hantée par ses souvenirs qui se superposent à un présent évanescent – celui où elle a fui en compagnie de Marco, compagnon d’infortune, quelque part dans les terres, en périphérie d’un petit village et à l’orée d’une forêt –, la narratrice s’accroche comme elle peut au réel, en observant et notant chaque petit détail que lui offre la nature toujours changeante dans ses carnets.

L’arrivée inopinée de Farah et de ses enfants, une femme mystérieuse portant elle aussi un passé marqué par la perte, qu’on découvrira par fragments, changera la donne. Trouvant écho l’une dans l’autre, les deux femmes s’apprivoiseront lentement, en communiant avec la forêt, source de beauté, mais aussi de danger, alors qu’une biche, dernière représentante de son espèce, semble veiller sur elles. Canari dans une mine de charbon, elle annonce l’inéluctable fin à venir.

Avant de brûler est bien sûr marqué par l’urgence climatique et évoque un monde en déroute qui brûle, est inondé ou asséché, marqué par l’instabilité politique et la disparition de la biodiversité. Mais il s’attarde surtout aux vagues que créent sur l’intime ces moments-bascules où la vie, d’un coup, n’est plus la même. Et à comment, de l’autre côté du miroir, une rivière asséchée peut se remettre à bouillonner.

Avant de brûler

Avant de brûler

La Peuplade

216 pages

8/10