La flamme au cégep
Jusqu’au 4 février, on peut admirer dans la galerie de la Guilde (1356, rue Sherbrooke Ouest) les derniers verres soufflés de David Frigon-Lavoie. Des pièces délicates, harmonieuses, qui ont une histoire à raconter. Comme cet artiste verrier qui a eu la flamme pour le verre soufflé en 2008 au cégep du Vieux Montréal.
Ça a changé ma vie de jouer avec le feu dans l’atelier de verre. Il y avait un côté instinctif. Ça m’a passionné tout de suite.
David Frigon-Lavoie
Ayant appris le métier au cégep, à l’école-atelier Espace Verre et dans les ateliers Welmo, à Frelighsburg, ou Feu Verre, à Mont-Saint-Hilaire, il a bénéficié des savoirs d’artistes verriers tels que Michèle Lapointe, Patrick Primeau, Julien Mongeau ou Michel Leclerc. Il a commencé par créer des verres, des pintes, des pots, des bouteilles, des huiliers, alternant ensuite l’art et le commercial. Il faut bien vivre !
« C’est un métier d’apprentissage, dit-il. Avant, on était apprenti durant 30 ans chez un maître et ensuite, on lui succédait. Aujourd’hui, tout va plus vite. Depuis que je suis à Bedford, j’ai lâché mes collaborations extérieures pour me consacrer à mes projets. Mais toutes les collaborations étaient nécessaires pour m’inspirer des différentes méthodes qui existent dans le soufflage du verre. »
Consultez la page de son exposition à la GuildeL’incalmo
La technique à la source de ses créations s’appelle l’incalmo. Il s’agit d’un vieux procédé italien qui consiste à greffer à chaud des objets en verre en joignant deux ou plusieurs éléments de couleurs différentes avant de souffler de nouveau la pièce obtenue. Un processus qui donne des résultats splendides et uniques.
Je me suis réapproprié cette technique [l’incalmo] en appliquant de la couleur opaque sur la partie supérieure de l’objet et en y gravant des motifs pour faire apparaître la couleur éclatante sous la première couche de verre. Cette approche rappelle la technique du verre camée.
David Frigon-Lavoie
Dans ses premières années de création, autour de 2013, David Frigon-Lavoie a réalisé des sculptures où le verre est associé à des émaux et à du métal. Comme son œuvre Paysage urbain. De cette période, il a conservé ses thèmes d’architecture ancienne et de bâtiments désaffectés. Il est notamment passionné par les petits châteaux d’eau que l’on voit encore sur les édifices anciens de Montréal. Il en grave sur ses bols, tout comme des paysages forestiers qui témoignent de son amour de la nature.
Esthétiques, ses œuvres sont autant contemplatives que cyniques ou critiques. « J’aime mettre un petit clin d’œil social ou environnemental sans que ce soit au premier plan, dit-il. Pour ma série exposée à la Guilde, Côté passager, j’ai ajouté de nouveaux symboles tels que les pylônes électriques. »
L’atelier
Depuis deux ans et demi, David Frigon-Lavoie partage un atelier avec la souffleuse de verre Catherine Labonté, dans l’ancienne fabrique d’aiguilles de machines à coudre de Bedford. Il partage le lieu et l’équipement, notamment les fours, un gros investissement. Chaque four a son utilité et sa température. Très haute pour faire fondre le verre, un peu moins élevée pour le travailler et encore moins pour le stabiliser.
Catherine Labonté et lui font venir leur verre de Suède. Des palettes de verre en granules sont disposées dans un coin de l’atelier. « On en achète pour deux ans de production, dit-il. Quatre tonnes de verre peuvent coûter plus de 20 000 $ US ! »
Dans un atelier de soufflage, il faut être deux pour les manipulations. L’artiste de 34 ans s’est adjoint une assistante, Dorothée Bouliane, qui a suivi le même trajet que lui au cégep et à Espace Verre. Nous avons assisté à la création d’un bol en verre soufflé.
Quand nous les avons rencontrés, David et Dorothée s’apprêtaient à créer des boules de Noël pour une commande spéciale. Des boules avec une surface « ananas » obtenue après avoir mis le verre dans un moule.
Artisan et artiste
David Frigon-Lavoie a été ouvrier verrier pendant 10 ans. Il se considère comme autant artisan qu’artiste. « Au Québec, on dirait que c’est péjoratif d’être artisan alors que c’est noble. C’est connaître ta matière, faire ce que tu fais le mieux et le montrer. On nous met toujours dans les métiers d’art et pas dans les arts visuels, alors qu’on en fait. »
Fier de son premier solo à la Guilde et d’avoir gagné le prix François-Houdé (du nom de l’artiste cofondateur d’Espace Verre, mort en 1993), David Frigon-Lavoie apprécie la reconnaissance dont il jouit.
Je n’ai pas choisi les arts pour la compétition, sinon j’aurai fait du sport ! Je ne me mets pas de pression, mais j’étais content, car mes collègues Julien Mongeau, Catherine Primeau, Caroline Ouellette et Patrick Primeau l’ont eu, ce prix ! Ne manquait que moi !
David Frigon-Lavoie
Professeur à Espace Verre depuis 2020, il est en train de créer un site en ligne pour vendre ses œuvres, n’ayant qu’un site pour ses objets utilitaires. « Mon rêve, c’est aussi d’avoir mon atelier à Montréal et de faire plus d’expos, dit-il. Mais je veux y aller étape par étape pour intégrer, à un moment donné, le milieu des arts visuels. »
Consultez la page de sa boutique d’art de la table