La Fondation PHI nous offre en cadeau une exposition qui réunit Rajni Perera et Marigold Santos, deux artistes magnifiques dont les pratiques parallèles se croisent avec fracas

La démarche

Sur papier, la proposition est un brin intimidante. Il y est question de pas mal de choses qui influencent le travail de Rajni Perera et de Marigold Santos, d’une démarche complexe, très cérébrale qui les réunit dans l’art depuis longtemps et maintenant à la Fondation PHI. On craignait (bien honnêtement) d’être exclus, de n’y rien comprendre.

Ça n’est pas du tout le cas. Les intentions sont claires.

Efflorescence/The Way We Wake aborde la féminité et le féminisme, l’exil, le recommencement et l’éveil, bien évidemment, comme le nom le suggère. « Il y a quelque chose d’incroyablement puissant dans le fait de se reconnaître dans quelqu’un d’autre. Ce sentiment d’être perçu et compris, de trouver une connexion profonde avec une autre personne, est à la fois rassurant et inspirant », explique avec justesse Cheryl Sim, directrice générale et commissaire de la Fondation PHI pour l’art contemporain, en présentation de l’exposition.

Les artistes

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

L’artiste Rajni Perera

Rajni Perera est née au Sri Lanka et y a vécu jusqu’à l’âge de 9 ans. Elle vit et travaille maintenant à Toronto. Elle utilise régulièrement des matières naturelles, le coton, le lin, le thé, l’argile, et aborde souvent les divinités, les mythes et les représentations populaires. Avec cette expo, on note une évolution dans la forme, dans ses œuvres récentes. Moins de couleurs vibrantes, une expression plus organique, onirique. Cela fait partie de son cheminement, explique l’artiste qui précise s’être affranchie d’une certaine pression commerciale qu’elle subissait de continuer à produire le même style.

Marigold Santos vit au Canada depuis plus de 30 ans, après avoir vécu une partie de son enfance aux Philippines. Elle a fait sa maîtrise en arts visuels à l’Université Concordia. Sa pratique comprend le dessin, la peinture, la gravure, la sculpture et le tatouage. Elle fait aussi de la poésie, présente dans cette exposition –qui contient un quadriptyque orné d’éléments vestimentaires traditionnels des Philippines.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

L’artiste Marigold Santos

« Je suis dans la phase la plus productive et la plus joyeuse de mon travail, confie Marigold Santos. Joyeuse, parce que j’aime mon rôle de mère et j’aime l’intégrer dans mon art, avec mes autres rôles, celui d’artiste et y inclure aussi mon patrimoine. Tout cela se mélange. »

L’exposition

Ça n’est pas la première fois que ces deux artistes se retrouvent, ensemble, à la Fondation PHI : elles faisaient partie d’une exposition commune, en 2020, à propos de l’art et de la diaspora, un thème qui leur est cher. Cette fois, le centre leur appartient, dans un harmonieux ballet. Sur quatre étages, les petites salles présentent successivement les deux artistes réunies, puis l’une ou l’autre, en solo, dans un pas de deux parfaitement chorégraphié qui assure que l’on perçoive la complémentarité de leurs démarches, mais aussi leurs singularités. Toutes les œuvres sont récentes et inédites, dont cette création commune qui ouvre l’exposition.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Efflorescence/The Way We Wake est assurément une des expositions à voir ce printemps, à l’été ou les deux.

Efflorescence/The Way We Wake, qui ouvre l’exposition, est une créature mystique féminine dont les bras sont détachés de son corps, qui expose son sexe, ses bourgeons, ses fleurs et ses cornes. Entre autres.

C’est la deuxième fois que l’œuvre, créée à Montréal, à la Fonderie Darling, est présentée – sa première sortie était à New York, mais dans un espace beaucoup moins flatteur, disent ses créatrices.

Ici, on a laissé de la place pour le travail de Perera et de Santos, mais aussi pour les visiteurs et les visiteuses à qui on donne les conditions optimales pour apprécier la création. On a de l’air, du temps, du calme.

Plusieurs des œuvres ont été créées dans les derniers mois, dont Worm, cette grande sculpture de Rajni Perera (qui a des dents et des cheveux) et qui habite un coin de la salle d’exposition.

On note, dans cette pièce, mais comme dans l’ensemble du travail de Rajni Perera, une dualité : il y a à la fois la force et la fragilité. Elles sont parfois enveloppantes et effrayantes, en même temps.

Comment expliquer ? « Je crois que c’est en moi », lance l’artiste, rencontrée au cœur de ses œuvres. « Je me fais peur constamment, poursuit-elle. Nous sommes toutes comme ça. Ce côté sombre que nous avons fait aussi partie de mon travail. »

Le lieu

Il ne faut pas confondre le Centre PHI et la Fondation PHI. Efflorescence/The Way We Wake est présenté au 451, rue Saint-Jean, dans des espaces de la Fondation où l’entrée est libre, en tout temps. C’est tout indiqué pour quitter les lieux communs et s’approcher d’autres formes de représentation que l’on va comprendre ou non ; aimer ou détester. Et c’est bien parfait.

La Fondation – tout comme le Centre par ailleurs, qui se trouve tout près dans le Vieux-Montréal – est un lieu d’exposition inclusif et tout le monde y est bienvenu. Déjà, ça donne les meilleures dispositions pour découvrir, apprivoiser, accepter, rejeter. Avec Efflorescence/The Way We Wake, on accepte à bras-le-corps.

Rajni Perera et Marigold Santos : Efflorescence/The Way We Wake, jusqu’au 8 septembre à la Fondation Phi

Consultez la page de l’exposition