L’aérospatiale est l’un des secteurs économiques où il est le plus difficile de mettre en place la décarbonation des activités, soutient Kevin Michaels. Cet ingénieur et consultant américain sera de passage à Montréal en marge du Forum innovation aérospatiale internationale, organisé ces jours-ci par Aéro Montréal. Pour décarboner cette industrie en pleine croissance, il faut donc innover. Et vite, dit-il.

Kevin Michaels et son collègue Richard Aboulafia sont des habitués des activités organisées par Aéro Montréal. Depuis une quinzaine d’années, ces deux spécialistes du Michigan séjournent au Québec pour présenter un état de la situation planétaire du monde de l’aérospatiale.

Cette année, explique M. Michaels, les deux sujets brûlants seront la chaîne d’approvisionnement – et donc la possibilité de construire plus d’avions ou pas – et la décarbonation de l’industrie.

« Les besoins à venir sont colossaux, dit l’homme d’affaires. Airbus a un carnet de commandes étalé sur 10 ans pour certains modèles d’avions. Et rien qu’en Inde, on prévoit construire 58 aéroports dans les cinq prochaines années. La demande a explosé, car la classe moyenne en Asie veut elle aussi prendre l’avion et découvrir le monde. »

Mise à mal, principalement par la pandémie, la chaîne d’approvisionnement ne suffit plus à la demande, ajoute-t-il. C’est sans compter le manque de main-d’œuvre dans le secteur. Aussi, la division militaire en aérospatiale accapare beaucoup d’énergie. La course aux armes (surtout les avions de chasse, dit Kevin Michaels) est plus que jamais d’actualité, dit-il.

Innover à tout prix

C’est donc dans cette conjoncture que l’industrie doit trouver des façons de réduire son empreinte, donc de décarboner ses activités de construction d’aéronefs et leur utilisation.

Pour le moment, la façon la plus rapide et la plus accessible de décarboner le secteur aérospatial, c’est de miser sur les combustibles durables. C’est la principale, sinon la seule avenue réalisable d’ici les 15 prochaines années.

Kevin Michaels, ingénieur et cofondateur d’AeroDynamic Advisory

En ce moment, dit-il, même s’il y a des centaines de projets de recherche en cours, les combustibles durables ne représentent que 0,2 % de ce qui est consommé par les quelque 100 000 aéronefs (avions de ligne et militaires, hélicoptères et autres jets d’affaires) qui volent partout sur le globe.

En Europe, d’ici 2030, on veut que les combustibles verts représentent 6 %, puis 30 % en 2040, avance M. Michaels.

« Ça va donc prendre des infrastructures et des raffineries en conséquence pour avoir accès à des matières premières et les transformer. À mon avis, l’Amérique du Nord est l’endroit où il y a le plus grand potentiel d’approvisionnement pour les matières premières comme l’éthanol, les résidus de bois, etc. »

Quant aux innovations dans la construction d’avions, les projets de recherche ne manquent pas non plus, estime Kevin Michaels.

Au lieu d’un long tube auquel on attache deux ailes, comme c’est le cas en ce moment, des constructeurs cherchent à construire des avions dits “à fuselage intégré” [blended wind body], grâce auquel on peut économiser du carburant.

Kevin Michaels, ingénieur et cofondateur d’AeroDynamic Advisory

De grands donneurs d’ordres, dont General Electric et Airbus, travailleraient, selon M. Michaels, sur des technologies de propulsion « à soufflante ouverte » (Open Fan), lesquelles réduiraient aussi la consommation de combustible.

La propulsion électrique

Pour ce qui est des avions à propulsion électrique, ils ne sont pas une panacée, soutient le patron d’AeroDynamic Advisory.

« Les lois de la physique ne permettent pas de construire des avions électriques qui peuvent, pour le moment, transporter plus de neuf passagers. Il y a des limites même avec les avancées en ce qui concerne les batteries », dit Kevin Michaels.

Toutefois, la propulsion électrique pourrait s’avérer utile dans le créneau de la mobilité aérienne avancée. Il s’agit de petits aéronefs à décollage et atterrissage verticaux (à la manière d’un drone géant ou d’un petit hélicoptère) qui pourraient transporter des gens sur de courtes distances, en milieu urbain.