Les entreprises qui ont à cœur la planète peuvent se réjouir : les programmes de financement tenant compte des pratiques de développement durable se multiplient au Québec. Plus qu’un vœu pieux, le virage écologique est désormais une « question de pérennité » pour les entreprises, croient les investisseurs.

Selon Alex Laverdière, vice-président, capital de risque à Investissement Québec, l’économie verte est loin d’être une mode passagère. « Il y a un engouement pour les entreprises liées à la transition climatique, constate-t-il. On sent qu’il y a un éveil de la population à ces enjeux et c’est bien ancré dans la communauté d’affaires. Il y a une volonté de travailler sur des projets qui font une différence. »

Il rappelle néanmoins que l’adoption des technologies propres n’en est encore qu’à ses débuts. « Pour que l’écosystème fonctionne et grandisse, il faut que les entreprises y adhèrent et les incorporent dans leurs processus. »

Bien sûr, les entrepreneurs ont d’autres chats à fouetter avec les conditions économiques actuelles et la pénurie de main-d’œuvre, mais il reste que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (les fameux ESG) deviennent incontournables.

Montée des exigences

Alex Laverdière souligne qu’il existe maintenant des contraintes réglementaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Les plus grandes demandes des donneurs d’ordres poussent aussi les entreprises à passer à l’action.

Les chiffres tendent à lui donner raison. Selon un rapport de la BDC publié en 2023, 82 % des grands donneurs d’ordres des secteurs public et privé exigent que leurs fournisseurs répondent à au moins un critère ESG. Cette proportion devrait bondir à 92 % en 2024.

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Investissement Québec (IQ) ne fait pas exception. Toutes les sociétés qui désirent obtenir du financement de l’organisation sont soumises à un questionnaire ESG. « On a lancé en 2021 l’initiative Compétivert, qui vise à inciter les entreprises à adopter des pratiques écoresponsables. Notre cible de 375 millions de dollars sur trois ans a été atteinte après un an. On l’a rehaussée à 1 milliard. »

L’engouement est au rendez-vous. En trois ans, IQ a financé environ 300 projets verts. Fondaction s’est également engagé envers l’économie verte.

On n’aide que des entreprises qui ont des pratiques ESG adéquates et des entreprises durables. On veut générer un impact positif.

Claire Bisson, vice-présidente et cheffe de l’investissement, Fondaction

L’experte du fonds d’investissement est convaincue de l’importance de prendre en compte les normes ESG en plus du volet financier. « C’est devenu une évidence. Plusieurs bouleversements climatiques, mais aussi la COVID et les problèmes de chaîne d’approvisionnement, ont eu des répercussions sur la rentabilité des entreprises. »

Miser sur l’innovation

Freins Kuma, entreprise spécialisée dans la production de plaquettes de frein pour éoliennes, s’inscrit dans l’économie verte depuis l’ouverture de son usine à Gaspé en 2015.

Son président fondateur Christian Babin estime qu’il y a une belle ouverture au Québec pour les projets verts. « Je dirais que c’est en croissance, on voit les effets des changements climatiques », souligne-t-il.

PHOTO ROGER ST-LAURENT, FOURNIE PAR FREINS KUMA

Christian Babin, président fondateur de Freins Kuma

Pénétrer de nouveaux marchés alors qu’on est un petit acteur demeure un défi pour Freins Kuma.

On y arrive en innovant. On travaille avec des centres de recherche pour développer des produits qui se démarquent.

Christian Babin, président fondateur de Freins Kuma

L’innovation est au cœur de l’entreprise qui exporte 90 % de ses produits. Après s’être taillé une place dans l’industrie éolienne, celle-ci lorgne maintenant le secteur ferroviaire et la filière batterie, ce qui la pousse à produire des freins encore plus durables.

« Nos plaques de frein s’usent moins, donc il y a moins de résidus de poudre qui se retrouvent dans l’environnement », assure Christian Babin.

Celui-ci ne fait pas cavalier seul. « On a reçu du financement au fil des ans. Le fédéral, par l’entremise du PARI-CNRC, nous a bien aidés. On ne serait pas rendus là sans son appui. »

Au Québec, Freins Kuma a surtout été épaulée dans le développement de son entreprise, plutôt que dans la recherche et le développement. Fondaction a par exemple fait équipe avec la société pour qu’elle puisse poursuivre sa croissance.

Passer à l’action

La transition verte est une question de pérennité pour les entreprises, assure Claire Bisson. « Celles qui ne prennent pas le virage foncent dans le mur », dit-elle. Il faut aujourd’hui voir quels sont les impacts des changements associés à l’environnement sur son entreprise.

« Gérer les risques peut amener diverses occasions. On peut faire des gains directs en misant sur l’efficacité énergétique. On peut attirer des clients, de plus en plus exigeants. Réduire les pertes permet de réduire aussi la matière première dont on a besoin. »

Claire Bisson remarque que les entrepreneurs, petits et grands, ont déjà une vision. « Ils doivent simplement la revoir pour prendre en compte les critères ESG dans leurs stratégies d’affaires, précise-t-elle. C’est bon pour l’entreprise et c’est bon pour la planète. »