Six mois après l'inauguration du président Barack Obama, quel bilan doit-on faire de sa présidence? A-t-il réussi à jeter les premiers jalons du changement qu'il a promis?

Conscient de sa popularité et du capital politique dont il disposait pour mener à terme des réformes, le président Obama a entamé son mandat en menant quatre grands chantiers de front: l'économie, la santé, l'environnement et la politique étrangère. Mais il a dû composer avec les circonstances difficiles dont il a hérité et sur lesquelles il n'avait aucun pouvoir.

 

La pire crise économique depuis la Deuxième Guerre mondiale a complètement dominé l'agenda politique et a nécessité qu'il orchestre la plus grande intervention du gouvernement dans l'économie américaine depuis le New Deal de Roosevelt: dépenses gargantuesques pour stimuler l'économie, sauvetage des secteurs financier, bancaire et automobile, réglementation massive et soutien financier direct aux travailleurs licenciés. Était-ce démesuré? La vraie question est plutôt: avait-il le choix?

Sur la forme, l'approche d'ouverture et le style de leadership qui ont caractérisé les décisions et les actions du président Obama depuis six mois contrastent nettement avec celles de son prédécesseur. Son charisme est indéniable, sa personnalité plaît et le ton est conciliant. Malgré une baisse récente de sa popularité, le président bénéficie d'un taux d'approbation qui oscille entre 50% à 55%.

Sur le fond, personne ne peut nier qu'il a fait des avancées importantes sur le front de la lutte contre les changements climatiques, qu'il a déjà réorienté la politique étrangère des États-Unis et grandement réhabilité l'image de son pays dans le monde. Aux yeux de bien des nations, l'adversaire américain est redevenu le partenaire tant attendu.

Mais comment expliquer qu'un président populaire, élu avec un mandat clair et qui bénéficie par surcroît d'une majorité démocrate au Congrès, éprouve tant de difficulté à faire passer sa réforme de la santé, la pièce maîtresse de sa politique domestique?

Il y a deux obstacles qui empêchent pour le moment le président de mener sa réforme à terme: les Blue Dog Democrats, ces sénateurs et représentants de son parti qui trouvent la réforme trop coûteuse et trop «libérale» aux yeux des commettants plus conservateurs qu'ils représentent, et l'opposition de plus en plus manifeste à sa réforme dans l'opinion publique. Il ne faut pas sous-estimer les puissants lobbys qui représentent les intérêts privés opposés à la réforme.

À court et à moyen terme, le président a deux grands défis devant lui. Le premier, c'est qu'il a maintenant tellement investi de capital politique dans la réforme de la santé que, s'il échoue, les Américains douteront de sa capacité à réaliser le changement qu'il a promis. Le deuxième, c'est qu'il devra rapidement s'attaquer au redressement des finances publiques, sans quoi sa crédibilité et la viabilité de ses projets futurs en souffriront grandement.

La présidence d'Obama demeure fort prometteuse. Le changement qu'il a entamé est réel, mais, dans le système politique américain, le pouvoir n'est pas concentré uniquement dans ses mains. C'est largement sa capacité à établir des consensus qui déterminera son succès.

L'auteur est directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.