L'Ordre du mérite accordé hier par la reine Élisabeth II à l'ancien premier ministre Jean Chrétien rejaillit non seulement sur lui, mais sur tout le Canada. Tous les Canadiens devraient en être fiers.

Il s'agit d'une reconnaissance de l'importance du service public et du rôle bienfaisant du gouvernement dans la société. Cette nouvelle confirme que tout est possible en ce pays où le 18e des 19 enfants d'un travailleur d'une usine de papier de Shawinigan peut atteindre le poste le plus élevé et laisser un héritage qui, tous le reconnaîtront, fait du Canada un meilleur endroit où vivre.

 

Jean Chrétien est seulement le quatrième Canadien de l'histoire à recevoir l'Ordre du mérite. Au cours de ses 40 ans de vie et de service publics, il a joué un rôle considérable dans la promotion de l'unité du pays. Il a aussi puissamment contribué à assurer aux Québécois francophones une place plus grande sur les scènes nationale et internationale. Il a participé à l'enchâssement de la Charte des droits et libertés. On l'a vu en ce qui a trait au mariage des personnes de même sexe, il a promu la reconnaissance par le gouvernement des droits de minorités jusque-là victimes de discrimination.

Sans son leadership, les finances fédérales n'auraient pas retrouvé l'équilibre; notre régime public de pensions serait menacé; les finances publiques du Canada ne seraient pas en bien meilleur état que celles des autres pays industrialisés; la Prestation nationale pour enfant n'existerait pas; et nos universités ne seraient pas en mesure d'attirer les meilleurs chercheurs du monde pour prendre en charge les Chaires de recherche du Canada créées en 2000.

Enfin, M. Chrétien fut responsable de la plus importante réforme du financement des partis politiques de notre histoire en abolissant les contributions d'entreprises en faveur d'un financement populaire. Toutes ces réalisations constituent un legs dont les Canadiens profitent encore aujourd'hui. Elles ont aussi été remarquées à l'étranger et certaines d'entre elles ont été copiées par d'autres gouvernements.

Dans le domaine des relations internationales, M. Chrétien a fait en sorte que le Canada prenne sa place; il nous a rendus fiers. Sans son leadership, le Canada aurait presque certainement participé à la guerre américaine contre l'Irak. Sans sa présence sur la scène internationale, il n'y aurait pas eu de Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel, ni de Cour pénale internationale. Quand Jean Chrétien a quitté le gouvernement, la page frontispice de The Economist affirmait: «Canada is Cool.» L'Express titrait: «Le Canada, le pays qui fait rêver les Français.»

La Reine a sans doute tenu compte de tout cela lorsqu'elle a choisi de récompenser Jean Chrétien et, à travers lui, le Canada tout entier.

Avocat au cabinet Bennett Jones, l'auteur a été pendant de nombreuses années conseiller de Jean Chrétien.