En ce 20e anniversaire de la mort de l'ayatollah Khomeini, le régime iranien vit l'une des plus importantes campagnes électorales, étant donné le mécontentement d'une majorité de citoyens à l'égard du président Mahmoud Ahmadinejad.

Contrairement aux idées reçues en Occident, les Iraniens ne votent que rarement sur les questions de politique étrangère. Avec une inflation avoisinant les 30%, un taux de chômage estimé à 20% et une corruption rampante, la frustration gronde dans les rues du pays.

Les doléances au sujet du prix de la nourriture et des logements arrivent au premier rang. Le programme nucléaire, l'ouverture du président Obama et la situation chez les voisins irakien et afghan font rarement l'objet de débats. Pour les électeurs, cette situation reflète la mauvaise gestion, devenue incontestable, d'Ahmadinejad. Pour plusieurs, les mauvaises décisions du président ont presque ruiné l'économie. Même l'immobilier, seul refuge économique dans l'Iran sous sanctions américaines, vit son premier ralentissement en plus de 15 ans.

Derrière Ahmadinejad se tient le mouvement des conservateurs. Ces derniers prônent un retour aux idéaux islamiques de la révolution de 1979, en prêchant des politiques allant d'un habillement plus traditionnel pour les femmes à un ton combatif face à l'Occident, particulièrement les États-Unis. La masse de leur soutien provient de la classe défavorisée et pieuse du sud de Téhéran, des régions rurales et de l'armée.

À l'instar de sa campagne de 2005, Ahmadinejad a choisi le thème du combat contre la corruption comme principal cheval de bataille. Lors d'un récent débat télévisé, il est allé jusqu'à accuser de corruption d'importants membres de l'establishment politico-religieux - dont un ancien président. En matière de politique étrangère, il persiste à jouer sur la fibre nationaliste alors qu'il affirme son «refus d'accepter les insultes des grandes puissances» tout en réitérant son appui inébranlable au programme nucléaire.

Un autre candidat conservateur, Mohsen Rezaï, l'ancien chef des Gardiens de la Révolution, est présent dans la course, même si ses chances de gagner - ou même de passer au deuxième tour - sont minces.

Les réformateurs ont aussi deux candidats: Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi. Leur principal soutien vient de la classe moyenne et riche des grandes villes, de la majorité des femmes, des minorités ethniques et surtout des jeunes - qui représentent 60% des 70 millions d'habitants.

Les réformateurs prônent des changements tels que la démocratisation des institutions, davantage de droits pour les femmes et une politique étrangère plus conciliante. Mir Hossein Moussavi, architecte de formation et premier ministre lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988), avait quitté le monde politique à la suite de l'abolition de son poste en 1989. Les cheveux et la barbe blanchis, il répète sans cesse qu'il est de retour pour «venir à la défense de son pays qu'Ahmadinejad a mis en danger».

Moussavi tente d'amener le débat sur un terrain glissant pour l'actuel président: l'économie et la politique étrangère. Il propose certaines réformes pour contrôler le fléau inflationniste et reproche à Ahmadinejad ses diatribes irresponsables au sujet de l'Holocauste, Israël et l'Occident.

L'autre candidat réformateur, Mehdi Karroubi, est un clerc modéré et ancien président du Parlement. Il vient de faire une récente remontée dans les sondages grâce à un discours populiste. Karroubi pourrait empiéter sur les chances de Moussavi de passer au deuxième tour.

Étant donné l'hyper mobilisation des conservateurs dans les milieux démunis et pieux, Ahmadinejad est presque assuré de passer au deuxième tour. La question est donc quel réformateur l'opposera: Moussavi ou Karroubi?

Le meilleur moyen pour les réformateurs de faire sortir leur électorat de leur torpeur est de répéter: «Êtes-vous mieux maintenant qu'il y a quatre ans?». Si la réponse est aussi claire pour la population qu'elle semble l'être pour les observateurs, Ahmadinejad pourrait devenir le premier président de la République islamique à ne pas être réélu.

L'auteur est chercheur associé au groupe d'étude et de recherche sur la sécurité internationale et à la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Il séjourne présentement en Iran.