«Briller parmi les meilleurs.» C'est au nom de la politique ainsi intitulée que le gouvernement du Québec a décidé de privilégier, en 2004, les partenariats public-privé (PPP) comme mode de construction de ses infrastructures. Plus de quatre ans après, même si l'ampleur espérée par ses partisans n'est pas au rendez-vous, la machine est lancée et personne ne peut plus l'arrêter, semble-t-il. Rendez-vous dans 35 ans pour le bilan!

Rien ne nous empêche, en attendant, d'étudier les indices dont nous disposons pour évaluer les premières mises en oeuvre. En matière d'architecture, en quoi les PPP nous permettront-ils, en tant que société, de nous placer parmi les meilleurs? Disons-le tout de suite, les professionnels - même ceux qui ne voient pas d'inconvénient à essayer la méthode - n'en perçoivent pas les avantages.

 

Si les PPP peuvent paraître appropriés pour des projets dans lesquels le geste architectural est minime, comme les autoroutes, ils ne sont pas forcément une bonne idée quand il faut construire des bâtiments. Les exigences de qualité architecturale semblent en effet avoir été oubliées dans la formule. Certes, bâtir n'est pas une question de procédure; ce n'est pas une raison pour escamoter certaines étapes en fonction du respect des échéanciers et des coûts. On a pourtant l'impression que c'est ce qui se passe. Même si - et c'est l'ironie de la chose - les délais s'allongent et les budgets augmentent aussi dans les projets en PPP. Particulièrement en période de crise.

À ce stade, il s'agit donc de limiter les dégâts, soit de gérer le risque et de faire en sorte que les pratiques soient adaptées. Comment? D'abord, en revenant à des projets de moindre taille pour se donner le temps d'apprendre. Ensuite, en permettant aux professionnels, architectes et ingénieurs, de travailler dans les meilleures conditions, que ce soit en termes de rémunération ou de dialogue avec le donneur d'ouvrage. Les professionnels sont les garants d'une conception satisfaisante et d'un contrôle adéquat permettant la qualité au bout du processus. Les firmes québécoises d'architecture - grandes et petites - doivent pouvoir participer à ces chantiers. Tous ces aspects sont reliés. Il faut surtout sortir du dogme.

Si le gouvernement a sans doute été de bonne foi dans sa démarche, je déplore qu'il ne se soit inspiré que des promoteurs des partenariats public-privé: il ne semble en effet alimenté dans sa réflexion que par des juristes et des comptables. Il aurait pu aussi s'inspirer du travail des intervenants britanniques du milieu de la construction pour améliorer le processus et préconiser des exigences architecturales. La création de l'Agence des PPP confirme l'orientation monothéiste de cette politique, puisque la structure se voue sans réserve à cette cause.

Le Québec a mis tous ses oeufs dans le même panier en ne créant aucun contrepoids ou organisme indépendant. Que fait-on des principes de transparence et de contrôle pourtant mis de l'avant par ailleurs, par exemple par le commissaire au lobbyisme? N'est-on pas en droit d'attendre des décideurs une profession de foi claire en faveur d'une architecture de qualité, comme celles de Tony Blair et, plus récemment, de Nicolas Sarkozy? Notre premier ministre prône la création d'un nouvel espace économique.

À quoi cela sert-il s'il s'agit uniquement de rendre accessibles nos marchés aux multinationales étrangères, cautionnant ainsi l'évasion, pendant de nombreuses années, des profits générés par l'exploitation de ces contrats? Dans l'état actuel des choses, si on avait voulu cibler des groupes hors Québec, on ne s'y serait pas pris autrement.

L'Ordre des architectes du Québec est prêt à s'investir auprès des pouvoirs publics pour articuler une position éclairée sur l'architecture de qualité. Celle-ci représente en effet une plus-value et un élément de compétitivité aujourd'hui incontournable pour notre société.

André Bourassa

L'auteur est président de l'Ordre des architectes du Québec.