Les prix de l'essence font couler beaucoup d'encre. Mais, indépendamment des opinions et analyses de pseudo-experts et des théories les plus abracadabrantes des causes fondamentales de la volatilité, comment le consommateur québécois tire-t-il son épingle du jeu?

Certains lecteurs seront peut-être surpris d'apprendre que c'est le Québec qui, en 2008, remporte encore une fois la palme pour les prix à la pompe, hors taxes, les plus bas du pays! Même avec une économie d'échelle qui l'avantage, le populeux Ontario, avec ses 80,1 cents le litre, arrive derrière le Québec avec ses 78,9 cents le litre.

En incluant les taxes, les rôles sont malheureusement inversés et c'est le Québec qui bat les records avec un prix moyen de 118,5 cents le litre, devançant largement l'Ontario à 110,1 cents le litre. De fait, une analyse des cinq dernières années démontre que 2008 ne fut pas une exception.

Le prix à la pompe représente toujours la somme des aléas de trois marchés: le marché de la vente au détail, celui de la vente au gros ou du raffinage, présent au Québec, et celui de l'exploration du pétrole brut, à peu près inexistant au Québec. Analyser les prix à la pompe qu'à travers le prisme du prix du brut (marché de l'exploration) ou de la marge de raffinage (marché de la vente au gros) ou des guerres de prix locales (marché de la vente au détail) ne pourra jamais refléter fidèlement la situation.

Comme si l'analyse de ces trois marchés ne suffisait pas, deux autres variables peuvent influer sur le prix final à la pompe: la portion variable des taxes et le taux de change de notre devise face au dollar américain. L'impact de ces dernières n'est pas négligeable; le prix record de 147 cents le litre, l'été dernier, incluait près de 9 cents de taxes variables additionnelles (TPS et TVQ) par rapport au prix de 75 cents le litre des dernières semaines. De même, sans la parité de notre dollar de l'été dernier, et en se basant sur le prix d'acquisition, les prix à la pompe à Montréal auraient vraisemblablement dépassé les 160 cents le litre, donc plus de 13 cents additionnels.

Les événements géopolitiques et économiques globaux, qui ultimement influent sur l'offre et la demande et donc sur le prix du pétrole brut sont, de loin, les éléments les plus importants qui expliquent que les prix soient passés de 60 cents à 147 cents et de retour à 75 cents le litre au cours de la dernière année. La spéculation sur les marchés financiers, sur laquelle notre industrie n'a aucun contrôle, a certes joué un rôle, mais beaucoup moins important que certains l'estiment.

Mieux vaut ne pas s'aventurer sur le terrain des prédictions en ce qui concerne notre industrie. Prédire les prix à la pompe équivaudrait à présumer de la direction qu'emprunteront les cinq variables mentionnées plus haut; un exercice absolument impossible. Reste que notre industrie sera aussi tributaire de la grave crise financière actuelle. C'est de loin le principal facteur qui influencera l'équilibre de l'offre et de la demande et, ultimement, les prix à la pompe. Toutefois, et qu'importe le niveau qu'atteindront les marchés, les consommateurs québécois pourront compter sur notre industrie pour continuer à livrer nos produits à des prix compétitifs.

Carol Montreuil

L'auteur est vice-président, division de l'Est du Canada, de l'Institut canadien des produits pétroliers (ICPP).