La succession de statistiques économiques négatives, la vague de mises à pied et le retour à l'ère des déficits publics laissent planer le spectre d'une dégradation économique hors de l'ordinaire. La récession actuelle est inquiétante, mais elle n'est pas différente des autres malheureux épisodes économiques de l'histoire.

Certes, ce cycle comporte ses particularités. Toutefois, les causes et conséquences de cette récession n'ont rien de nouveau. Environnement de crédit trop souple, excès de confiance et surinvestissement n'ont jamais bon ménage. Encore moins dans un contexte de mondialisation qui accroît l'interdépendance.

 

Les facteurs ayant contribué à la récession de 2008-2009 n'étant pas si différents, on a raison de penser que les mécanismes d'ajustement favoriseront une «sortie» de récession. Par son ampleur, la réponse monétaire et fiscale frappe l'imagination, mais s'inscrit dans la logique habituelle quand vient le temps de lutter contre les récessions.

Dans les années 30, le gouvernement américain avait tardé avant de réduire les taux d'intérêt et avait même cru bon d'augmenter les impôts pour maintenir la «discipline fiscale». Les réactions des gouvernements d'aujourd'hui ne sont pas exemptes de risque, mais elles sont suffisamment différentes pour qu'on écarte les comparaisons alarmistes entre la situation actuelle et la Grande Dépression. Les prochains mois risquent d'être chaotiques, mais une reprise de l'économie américaine d'ici 2010 reste le scénario le plus probable.

La crise en direct

Parmi les différences les plus frappantes entre la récession de 2008-2009 et celles du passé, on remarque l'effet de nouveauté et la surmédiatisation. Pour ce qui est de la nouveauté, il faut noter que pour plus d'une génération, le concept de récession était jusqu'ici théorique. Entre entendre parler d'une récession et en vivre une, il y a un monde.

La seconde différence, la surmédiatisation (ou l'«effet CNBC»), alimente le sentiment de peur et d'incertitude qui vient de l'effet nouveauté. Avec la couverture médiatique de la «crise en direct», tous les ménages savent désormais qu'ils doivent se préparer au pire... sans trop savoir ce que ce «pire» sera.

Au plan théorique, une récession est un recul de la production d'une économie. On y est donc déjà. L'économie américaine est en récession depuis 13 mois et la contraction de 3,8% du PIB au quatrième trimestre de 2008 représente le pire repli enregistré depuis 1982.

Au Canada, la récession n'a débuté qu'à l'automne 2008 et le PIB s'est affaissé de 0,7% en novembre. Des deux côtés de la frontière, le taux de chômage remonte. Il faut cependant préciser que ces indicateurs confirment la récession, ils ne l'annoncent pas. Parmi les signes avant-coureurs d'une prochaine reprise, il faudra surveiller la normalisation du taux d'épargne des Américains. S'il y a plus d'épargne, la croissance des dépenses de consommation sera plus modeste au cours des prochaines années.

Les manchettes économiques resteront négatives tout au long de 2009. Derrière ces mauvaises nouvelles, il faudra savoir déceler les premiers indices de la reprise. Les marchés boursiers reprennent habituellement de l'altitude en seconde partie de récession, comportement qui ne devrait pas être différent cette fois-ci.

Delisle, Vincent

L'auteur est stratège financier à Scotia Capitaux.