L'administration publique québécoise fait face à de nombreux défis, dont les suivants: une organisation lourde et complexe; des exigences croissantes des citoyens pour qu'elle réduise la bureaucratie et soit plus performante; un accroissement significatif de l'endettement public (déficit de plus de 4 milliards de dollars) et des compressions budgétaires.

Dans un effort louable de réduction budgétaire et d'allègement des structures, le gouvernement proposait au mois de novembre 2011 le projet de loi 130 qui ciblait la restructuration de 28 organisations. Le projet de loi a été sanctionné au mois de juin 2011.

Bien que cette restructuration apparaisse substantielle, il n'est pas question d'abolition de postes. La loi 130 prévoit l'intégration de tous les employés des organismes au sein de la fonction publique. Quels sont les objectifs et les attentes stratégiques visés par la restructuration? Quelles sont les économies réelles qui seront générées par les changements proposés? En commission parlementaire au printemps 2011, le gouvernement estimait réaliser des économies d'environ 10 millions pour résorber son déficit. Néanmoins, des questions demeurent sans réponse quant aux véritables économies générées par cette réorganisation.

Les débats qui ont entouré l'adoption de la loi sèment des doutes quant à la simplification réelle des structures et aux économies qui en résulteront. Aucune donnée publique ne permet d'étayer les économies anticipées. Assistons-nous au mariage d'organisations partenaires ou à la simple collocation d'organisations indépendantes? Sommes-nous en train de créer des excroissances aux organismes existants qui évolueront en parallèle, sans véritable intégration? Sommes-nous en train de faire l'addition des rôles et des fonctions aux structures existantes, sans véritable simplification?

Ce faisant, nous nous retrouverons inévitablement devant des doublons et des chevauchements qui généreront des coûts additionnels pour les contribuables. Certes, des conseils d'administration seront abolis, des planifications stratégiques et des rapports annuels ne seront plus requis, etc. Cependant, ce ne sont que des économies de bout de chandelle.

La littérature révèle que plus du deux tiers des projets d'intégration d'organisations échouent. L'échec résulte souvent d'une planification déficiente de la fusion, de la gestion inadéquate du processus d'intégration et de la minimisation de la dimension humaine. La réussite de tels projets se construit autant dans la préparation de l'opération que dans le processus d'intégration et repose sur la qualité de sa mise en oeuvre. Le processus doit être cadencé pour profiter du «momentum». Un «momentum» que le gouvernement semble avoir laissé passer: plus d'un an s'est écoulé depuis l'annonce du budget et l'entrée en vigueur de la loi... Le véritable défi consiste à tirer profit des similarités et à s'enrichir des différences pour créer des synergies et construire la nouvelle structure des organisations visées. Encore faut-il les identifier. Le recul du gouvernement sur certaines annonces suscite des interrogations sur la profondeur de sa réflexion et de sa préparation. En effet, le gouvernement a finalement décidé de maintenir la Société québécoise de récupération et de recyclage ainsi que la Commission de l'équité salariale. En outre, il a décidé de maintenir les trois fonds subventionnant la recherche. Non seulement le gouvernement a-t-il reculé sur certains projets de fusion, mais il a annoncé la création de nouvelles structures dont la création du poste de scientifique en chef.

L'administration publique souffre inexorablement d'une «structurite aiguë». La posologie administrée par le gouvernement avec la loi 130 est faible. C'est comme poser un diachylon sur une ecchymose : peu d'impact.

La restructuration doit conduire à une organisation gouvernementale qui soit plus simple, plus efficace, moins coûteuse. Il faut simplifier le fonctionnement de l'État et rendre plus efficace la prestation de services à la population. Afin d'alléger significativement l'appareil gouvernemental et de réaliser des économies, le gouvernement doit faire preuve de plus de rigueur dans la définition de sa vision et des objectifs visés par la restructuration, l'estimation des économies à réaliser, l'identification des structures à optimiser, la planification de la restructuration et dans sa mise en oeuvre.