Dans son dernier budget, rendu public en janvier dernier, le gouvernement fédéral annonçait un programme d'aide au logement social de quelque 2 milliards $, dont près du quart (475 millions $) pour la production de nouvelles unités destinées aux aînés à faible revenu et aux personnes handicapées. Toute la question est de savoir si les fonds consacrés aux nouveaux projets seront distribués rapidement et équitablement.

À la suite de cette annonce, le gouvernement du Québec, par le biais de la SHQ, engageait des pourparlers avec Ottawa pour obtenir sa part du gâteau, mais l'entente n'est pas encore ficelée et les premières pelletées de terre ne sont donc pas pour demain. Le problème est le même en Ontario où les projets que la Ville de Toronto a devancés de plusieurs mois attendent toujours l'aval de la province.

À quoi doit-on attribuer une telle lenteur des mises en chantier au pays? Chez nos voisins du sud, où le nouveau président Obama n'est pourtant entré en fonction qu'à la mi-janvier, on a adopté un plan similaire en un mois seulement et, dès le début avril, l'État de New York rendait publiques les sommes réservées aux projets déjà planifiés. Il y a deux mois, la Californie fixait pour sa part à juin la date limite de soumission pour les nouveaux projets.

Si les choses avancent plus vite aux États-Unis, c'est qu'il y existe un programme d'incitation fiscale à la construction de logement social très efficace, le Low-Income Housing Tax Credit (LIHTC), en vertu duquel les paliers de gouvernement inférieurs accordent aux promoteurs retenus des crédits d'impôt fédéraux pour la construction de logement social. Or, il n'y a rien de tel au Canada.

Il est tout à fait justifiable de financer la production d'unités locatives destinées aux ménages à revenu faible ou modeste par l'entremise du système fiscal, et ce pour plusieurs raisons. Par souci d'équité d'abord, puisque les propriétaires d'une résidence principale sont implicitement largement subventionnés du fait de la non -imposition du gain en capital au moment de la disposition. Un programme de crédits d'impôt destiné au marché locatif permettrait donc de réduire l'écart sur ce plan.

Un second avantage découlant de l'implantation d'un tel programme au Canada tient à ce qu'il place les organismes sans but lucratif sur le même pied que les promoteurs classiques en leur donnant accès à l'amortissement fiscal (ACC). Cette mesure, dont l'efficacité en tant qu'incitatif a fait ses preuves, aurait pour effet de hausser la rentabilité de l'investisseur détenteur des crédits de taxes.

Troisièmement, le programme LIHTC américain a fait preuve d'une remarquable robustesse au plan politique : introduit sous l'administration Reagan, bonifié par la suite, il est aujourd'hui utilisé par l'administration Obama comme l'un des leviers du plan de relance économique.

Quatrièmement, un programme de crédits d'impôt réduirait les délais de production des unités dans la mesure où les provinces, aux prises avec des contractions budgétaires, ne seraient pas soumises à une contrepartie financière obligatoire, éliminant du même coup les lenteurs administratives occasionnées par les négociations fédérales-provinciales.

Enfin, en se dotant d'un tel programme, le Canada permettrait aux provinces d'aider l'ensemble des locataires aux prises avec un problème d'accessibilité financière au logement, et pas seulement les quelques privilégiés qui ont accès au logement social. En effet, le programme de crédits d'impôt présente l'avantage de servir de complément aux programmes existants, tels que l'Allocation-logement et le Supplément au loyer, qu'il contribue à renforcer.

Bien que l'allocation-logement, qui vient en aide à quelque 125 000 locataires au Québec, demeure l'une des meilleures façons d'aider les ménages dans le besoin, ses critères d'éligibilité le rendent peu généreux et de moins en moins accessible. Face à la nécessité de développer de nouveaux outils pour la production d'unités locatives destinées aux ménages à revenu faible et modeste, un programme de crédits d'impôt pour le logement social s'avère la solution la plus appropriée.

Il est plus que temps que le gouvernement du Canada mette sur pied un programme de crédits d'impôt pour le logement social à l'instar de ce qui se fait depuis une vingtaine d'années chez nos voisins du sud. Un tel programme fournirait de l'emploi en quelques mois par le biais du recyclage des projets de condo, les investisseurs pouvant bénéficier des crédits d'impôt dès 2010.

La solidité de notre système financier, plus robuste que celui qui prévaut aux États-Unis, constitue une garantie de succès pour une telle formule.

L'auteur est économiste et professeur à la faculté des Sciences de l'administration de l'Université Laval.