Je commencerais par prendre une grande respiration devant mon immense défi; gérer la plus grande entreprise publique du Québec avec ses 300 000 employés, ses puissants syndicats et non moins puissants autres groupes d'intérêts et plus de 7 millions de « clients-citoyens » à bien servir.

Si j'étais le prochain ministre, mon agenda serait complet pour les 4 prochaines années : CHUM, vieillissement, déficit des hôpitaux, salles d'urgences débordées, listes interminables d'attente, renouvellement de conventions et... le reste à l'avenant. Si j'étais l'élu, je commencerais, devant tout ce portrait, à rêver au moment où je ne serais plus dans ces fonctions.

Je chercherais des solutions, de quoi me raccrocher, me motiver, faire ma marque. Je regarderais du côté ou personne, ou presque, ne regarde; les organismes communautaires.

Je ferais le lien entre quelques données incontournables :

- 20 % des coûts de santé au Québec et au Canada sont attribuables à la pauvreté ( 5 milliards $ annuellement pour le Québec);

- les rapports du MSSS et externes (Clair, Ménard, Castonguay) me prédisent une banqueroute du financement des services publics dans moins de 10 ans ;

- les mêmes rapports prônent la solution du développement de la 1e ligne de service;

- dans cette première ligne, il y a un secret bien gardé : 3 000 organismes communautaires présents partout au Québec.

Si j'étais le prochain ministre de la Santé et si j'étais bien conseillé, je mettrais fin au malheureux système de « Misère-Académie » réservé au mouvement communautaire depuis 30 ans. Ce système obligeant les organismes communautaires à impressionner le ministre afin que ce dernier choisisse les plus miséreux et miséreuses. La misère est globalement abjecte et elle explique 20 % des coûts de santé.

Si j'étais le prochain ministre, je ne tomberais pas dans l'odieux de choisir les victimes les plus « méritantes » de cette injustice qu'est la pauvreté et sa progéniture la misère avec sa multitude de problématiques (faim, dépendance, violence, maladie mentale, itinérance, désoeuvrement, etc.).

Si j'étais le prochain ministre, je ferais l'histoire. Je soutiendrais ma sous-ministre responsable du dossier communautaire dans ses travaux de valorisation et de consolidation d'un seul et même mouvement communautaire. Pour maintenir ma décision et mon audace, je me rappellerais deux anciens ministres. Le premier tient à l'anonymat et il disait « L'État québécois a toujours obtenu plus du mouvement communautaire en se contentant de l'appuyer plutôt que de vouloir le contrôler ». Pour sa part, Paul Gérin-Lajoie prônait de mobiliser ensemble tous les groupes communautaires pour un « fichu beau projet de société » : moins de misère, plus de santé et de justice sociale. En prime, j'aurais « solidarisé » un mouvement qui prône la... solidarité.