La conférence de Marrakech sur les changements climatiques (COP22) est importante pour tenter de coordonner les efforts mondiaux de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES).

Cette coordination est en effet un défi important : si l'accord de Paris de la COP21 indique qu'il y a une entente sur l'objectif (« contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C »), aucun plan global n'est en place, ni aucune contrainte.

Ce vide pourrait laisser penser que peu de pays vont effectivement agir sur les émissions de GES. Avec en plus un nouveau président américain qui a fait campagne sur la relance de l'industrie du charbon... les émissions de GES mondiales pourraient continuer d'augmenter. Dans ce contexte, une question légitime se pose : pourquoi agir, si le reste du monde ne le fait pas ?

La réponse est simple, même si elle est trop peu souvent expliquée. Réduire les émissions de GES est une excellente chose, même si on écarte tous les enjeux climatiques.

En d'autres mots, même les climatosceptiques les plus bornés devraient viser à réduire leurs émissions, pour essentiellement trois raisons.

LA SÉCURITÉ

La première est au premier plan de l'actualité mondiale depuis 2001 : la sécurité. Cette sécurité est en effet très liée au monde énergétique : par les importations d'hydrocarbures dont presque tous les pays du monde sont dépendants (sauf la minorité qui exporte), et par les flux financiers associés à ces importations. En 2014, les cinq premiers exportateurs de pétrole étaient l'Arabie saoudite, la Russie, les Émirats arabes unis, l'Irak et le Nigeria. Ils se sont partagé une cagnotte de plus de 500 milliards dont les bénéficiaires n'ont pas particulièrement attiré les regards du comité de sélection du prix Nobel de la paix.

Les idées de sécurité énergétique, indépendance énergétique ou souveraineté énergétique découlent des menaces liées aux importations d'hydrocarbures. La meilleure manière d'échapper à ces menaces, et de les réduire, est de se soustraire à la géopolitique des hydrocarbures en réduisant leur usage. Une demande de pétrole décroissante réduira la vulnérabilité des pays importateurs et les moyens financiers des pays exportateurs. Plus de sécurité pour tous.

L'ÉCONOMIE

La deuxième raison est économique. À l'échelle de la planète, le pétrole sert essentiellement au transport, et avant tout au transport routier. Or, il se trouve que cette approche est extrêmement inefficace : les moteurs à essence ou diesel sont peu performants, les véhicules actuels sont surdimensionnés et beaucoup trop nombreux.

Les sommes englouties dans les véhicules et les infrastructures routières sont immenses et engendrent une congestion qui plombe de plus en plus l'économie. Les solutions (transports en commun, transport actif, covoiturage, train) coûtent globalement moins cher et généreraient des gains importants de productivité. Une politique économique axée sur la croissance imposerait une réorganisation du secteur du transport, qui permettrait de réduire de façon draconienne notre usage du pétrole.

LA SANTÉ

Enfin, la santé. La qualité de l'air, qui est principalement affectée par la combustion du pétrole et du charbon, serait grandement améliorée sans cette combustion. L'épidémie d'obésité qui pèsera de plus en plus lourdement sur le système de santé serait moins aiguë si les individus étaient plus actifs dans leurs transports : marcher au lieu de prendre la voiture. Alors qu'on s'inquiète à juste titre des coûts de la santé, la solution passant par la prévention (environnement plus sain et vie plus active) devrait s'imposer à tout ministre de la Santé qui regarde un tant soit peu les déterminants de la santé. Pour la troisième fois, réduire la consommation d'hydrocarbures serait bénéfique.

Ainsi, sans même penser aux GES, mais en étant simplement centré sur des enjeux de sécurité, d'économie et de santé, diminuer l'usage du pétrole et du charbon (là où il est utilisé) s'impose logiquement.

Évidemment, cela demande de renouveler plusieurs approches traditionnelles.

Mais si nous le faisions, nous en sortirions gagnants, que le reste du monde le fasse ou non. Un échec à Marrakech ou l'élection de Trump ne devraient pas nous faire douter que nos objectifs restent bons. Ils ont le potentiel de nous rendre plus sûrs, plus riches et en meilleure santé.