Eh ! Le jeune favorisé ! Est-ce que tu as consulté ton Publisac cette semaine ? As-tu feuilleté le journal ? Est-ce que tu entends les pubs à la radio ? Tu as probablement regardé un peu de télé ? Ah non ? Tu as sûrement navigué sur internet alors...

L'automne est une période de grande frénésie mercantile en éducation. Annuellement, nous sommes témoins des manoeuvres des écoles publiques et des écoles presque publiques* afin d'attirer les clients potentiels.

C'est un peu comme si plusieurs succursales de la SAQ à Montréal dépensaient des centaines de milliers de dollars dans une guerre fratricide. Le but ? Me convaincre que leur espace Cellier est meilleur que celui des voisins.

Soyons francs. Cette campagne publicitaire s'adresse à une clientèle bien particulière : les élèves choyés par la vie.

Personne ne dépense un sou afin d'attirer la clientèle dite « ordinaire ». Bref, on brûle votre argent et mon argent afin de convaincre la classe socioéconomique privilégiée de faire le bon choix. Dois-je vraiment financer cette concurrence entre les écoles ?

J'entends déjà la réponse... La concurrence est synonyme de qualité et nous devons la financer. Vraiment ?

Pour reprendre les mots de Marc St-Pierre, chargé de cours en administration scolaire à l'Université du Québec en Outaouais et consultant en éducation : « La concurrence en éducation est utile et donne de bons résultats, car elle pousse l'école publique à innover et à s'améliorer, en plus d'élargir les choix offerts aux parents, nous rappellent certains chroniqueurs. Mais pourquoi alors le Québec, champion canadien de l'école privée, n'affiche-t-il pas les meilleurs taux de diplomation au Canada ? Pourquoi les écoles publiques de l'île de Montréal ne sont-elles pas les plus performantes au Québec puisqu'elles bénéficient d'une saine émulation avec l'école privée ? »

Quel est donc le réel bénéfice de cette concurrence et de ce battage pour l'ensemble de notre système éducatif et pour le bien de notre société ? C'est bizarre, il me semble entendre un peu moins d'explications pertinentes à ce propos. D'ailleurs, je suis persuadé que Robin des Bois s'opposerait à cette redistribution douteuse du Trésor public. Inutile de vous dire qu'une telle utilisation des ressources humaines et financières sert le vice et non la vertu.

Pendant ce temps, une proportion alarmante d'enfants manquent de services. Pourquoi est-il alors socialement acceptable de dépenser l'argent du peuple pour la promotion des écoles ? Il y a ici un paradoxe fascinant.

CRIER FAMINE ET GASPILLER

Devant tant d'inconséquence au secteur des jeunes, je dois vous avouer que l'enseignement supérieur n'est pas en reste. J'ai entendu dire que les universités crient famine... Soyez attentifs l'hiver prochain. Vous constaterez le gaspillage éhonté des fonds publics en publicité. Il s'agit d'un autre paradoxe tout aussi fascinant : la multiplication des programmes identiques, l'ouverture d'une pléiade de succursales régionales et la concurrence entre ces institutions financées par les Québécois.

Je sais. Je divague. Je crois que je devrais avoir une approche un peu plus joviale. Vous savez quoi ? L'ouverture d'un groupe au secondaire procure un financement d'environ 100 000 $. J'ai une suggestion. On pourrait mettre 1000 $ de côté et procéder au tirage au sort d'une bourse d'études à l'intérieur de chacun des groupes dits « réguliers ».

J'imagine déjà la pub : « Vous n'avez pas gagné à la loterie de la vie ? Inscrivez votre enfant chez nous au régulier et vous risquez de remporter une bourse d'études Conscience de classe. »

* Au Québec, il est d'usage courant d'utiliser l'expression "école privée" afin de désigner des écoles financées en grande partie par le gouvernement. Selon une étude du ministère de l'Éducation, le financement des écoles presque publiques représente en réalité 75 % des coûts.