On se souvient qu'au printemps dernier, un débat fort animé s'est tenu dans les médias sur l'acceptabilité de détourner un débit journalier de 31 millions de litres d'eau du bassin du fleuve Saint-Laurent afin de répondre aux besoins en eau potable de la ville de Waukesha. Cette ville du Michigan, d'une population de 70 000 personnes, est située à l'extérieur du bassin versant du fleuve Saint-Laurent. On parle donc de ce sujet tabou : exporter de l'eau !

Si, depuis, l'association des maires demeure estomaquée de l'acceptation d'une telle première par les représentants des huit États américains et des deux provinces canadiennes concernées, on attend encore la décision de la Commission mixte internationale Canada-États-Unis avec appréhension. De plus, s'ajoute encore cette prévision des experts en changements climatiques selon laquelle les apports en eau de la région des Grands Lacs s'amenuiseront de 20 à 30 % au cours du siècle ; de 24 % selon Environnement Canada.

Entretemps, peut-être, pourrions-nous prendre quelques instants pour traiter de façon pratique cette question si « dogmatique » pour plusieurs. Reconnaissons tout d'abord que cette donnée d'apparence terrifiante de 31 millions de litres d'eau par jour correspond tout simplement à un débit de 0,36 mètre cube par seconde (MCS). Or, le débit moyen du fleuve, au droit de Sarnia, exutoire des lacs Michigan et Huron, est de l'ordre de 5000 MCS, approximativement 15 000 fois plus élevé.

Bien plus, près du tiers des apports annuels y sont tout simplement abandonnés, perdus, gaspillés, lors des périodes de crues saisonnières.

En proportion avec la demande de la ville de Waukesha, déjà, on constatera que la seule gestion des eaux de crues permettrait de répondre aux besoins d'une population de plusieurs centaines de millions de personnes.

Or, il s'avère justement qu'au site de Sarnia, un barrage de moins de 1 mètre de hauteur suffirait pour gérer cet immense bassin de 114 000 km2 et mettre désormais à profit chacune des gouttes d'eau du bassin, y compris des volumes d'eau des crues saisonnières, ce qui suffirait largement pour parer à toutes ces menaces.

DU LAC SUPÉRIEUR À QUÉBEC

En fait, il suffirait d'ajouter quatre bas ouvrages de contrôle aux quatre ouvrages déjà existants sur l'ensemble du bassin du fleuve Saint-Laurent pour gérer et le niveau et le débit de ce bassin, et ce, de l'extrémité du lac Supérieur jusqu'à la ville de Québec, comme on le fait pour la gestion rigoureuse des divers réservoirs d'un complexe hydroélectrique.

On pourrait ainsi, pour environ 4 à 5 milliards de dollars, protéger notamment l'environnement de quelque 18 000 km de rives, de plus de 1200 km2 de riches milieux humides, dont ceux du lac Saint-Pierre et de la baie Georgienne, fournir de l'eau potable à des centaines de millions de personnes et assurer la pérennité et même augmenter la capacité de la voie maritime.

De plus, une telle gestion rigoureuse des apports d'eau du bassin du Saint-Laurent permettrait d'accroître de façon importante la production hydroélectrique des centrales situées sur le fleuve, principalement à Niagara, et ce, suffisamment pour autofinancer le projet en quelques années.

Ce projet est souhaitable indépendamment des effets anticipés ou non des changements climatiques. Pourquoi ne pas au moins en faire l'étude ?