« C'est quoi ce troupeau de Noirs ? »

Croyez-le ou non, cette phrase a été prononcée en ce début d'année scolaire par une adolescente de 3e secondaire d'une école privée située à moins de 25 minutes de Montréal.

Un établissement que fréquente ma fille de 14 ans - et plusieurs de ses condisciples provenant de divers horizons - un peu par la force des choses puisque son école montréalaise a déménagé à cet endroit.

Mon coeur de mère aurait pu se serrer de savoir que mon unique enfant est victime de railleries à cause de sa couleur de peau. En 2016.

Mais j'ai choisi de rire avec elle de la bêtise de certains êtres humains.

Il y a quelques mois, j'ai visité cette nouvelle école avec ma fille, et elle s'inquiétait de voir qu'il y avait si peu de diversité culturelle autour d'elle. J'étais surprise également, mais je ne l'ai pas trop laissé paraître pour ne pas en rajouter.

Et dès le premier jour de la rentrée scolaire, on lui a laissé savoir clairement que sa « différence » n'était pas la bienvenue. Quand elle ouvre la bouche, on glousse ; quand elle marche, on la dévisage ; quand elle achète un jus à la cafétéria, on la scrute comme une bête curieuse. En 2016. C'est tellement absurde comme situation que je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire quand elle m'a fait le récit de sa journée.

Par contre, je ne riais pas quand j'ai écrit un courriel à la direction de cette école pour dénoncer le comportement inacceptable de ces adolescents. Au courant des faits, l'un des directeurs m'a répondu : « ...nous avons déjà fait des interventions auprès de quelques élèves. Une (très courte) adaptation sera requise [...]. Dès demain, X entamera une tournée de classes pour sensibiliser les élèves. »

Et effectivement, cette tournée a eu lieu pour expliquer à ces jeunes que nous venons tous de quelque part. En 2016. Je ne suis pas dupe, je sais que le racisme existe ici. Mais qu'il soit exprimé de façon aussi grossière et vulgaire me laisse sans mots.

MON QUÉBEC À MOI

Je ne suis pas de ceux qui croient que le racisme est plus présent dans notre société que la tolérance. Comme n'importe quelle personne à la peau foncée, j'ai subi toutes sortes de discriminations. Mais je n'en aime pas moins mon Québec pour autant parce que je côtoie au quotidien des dizaines de personnes qui ne me considèrent pas comme une couleur. Elles me considèrent plutôt comme une grande chialeuse, une très ardente défenseure de la langue française et une femme qui n'a pas froid aux yeux.

À ma fille, j'ai expliqué il y a longtemps déjà que le combat qu'ont mené nos ancêtres n'est pas terminé et que parfois, sur le chemin de sa vie, il va lui falloir éduquer certaines personnes pour leur faire comprendre qu'elle n'est pas « différente ».

Aujourd'hui, elle est outillée pour faire face à ces jeunes et chaque soir, quand elle rentre, elle me raconte en levant les yeux au ciel à quel point ces adolescents sont immatures. Elle a choisi de ne pas leur accorder d'importance parce qu'elle estime qu'elle n'a ni temps ni énergie à consacrer à des personnes aussi étroites d'esprit.

Bizarrement, je suis presque contente que ma fille se retrouve dans cette situation.

Ça lui permettra de forger davantage son caractère et de mettre en pratique une des leçons que je tente de lui transmettre depuis si longtemps : si elle veut sa place, elle n'a d'autre choix que de la prendre en dépit de tout obstacle.

Je n'ai qu'un frisson qui me traverse quand je pense à ces adolescents : ils représentent notre avenir. J'exhorte donc les parents qui ne le font pas déjà à ouvrir l'esprit de leurs enfants - et peut-être le leur par la même occasion - pour qu'ils ne fassent pas subir les conséquences de leur ignorance à ma fille et aux autres qui leur semblent « différents ». Parce que votre Québec, c'est aussi le nôtre maintenant.