C'est maintenant fait, Santé Canada tranche que le saumon génétiquement modifié ne représente aucun risque pour le public et atteste que le produit peut être commercialisé.

Sans surprise, pratiquement six mois après que la Food and Drug Administration eut consenti le droit au secteur de commercialiser le même produit aux États-Unis, c'est maintenant au tour du Canada.

Les groupes qui s'opposent à la décision n'ont pas tardé à exprimer leur désarroi, car autoriser la vente commerciale d'un animal qui émane de la transgénèse est une première au Canada.

D'ici deux ans, sans étiquetage obligatoire, les consommateurs pourront savourer du saumon génétiquement modifié, mais sans jamais le savoir.

Le saumon AquaAdvantage est une technologie mise au point au Canada, mais exploitée par l'entreprise américaine AquaBeauty. Le processus pour en venir à ce produit est relativement simple, mais les conséquences pour l'industrie sont énormes, car un gène du saumon chinook du Pacifique a été inséré dans le saumon afin de diminuer la durée de l'élevage.

En effet, produire un saumon transgénique prendra de 16 à 18 mois au lieu de 3 ans s'il était produit par l'aquaculture. Toutefois, le coût des intrants sera substantiellement moins élevé, puisque le Canada est le quatrième producteur de saumon d'aquaculture au monde. Bref, la fiche technique de l'AquaAdvantage est convaincante pour l'industrie. Aussi, il faut dire que le Canada est l'un des plus grands exportateurs de saumon au monde.

MALAISE

Or, pour les consommateurs, le saumon transgénique peut sans doute créer un certain malaise. Déjà, depuis plus de deux décennies, plusieurs prétendent que les OGM représentent un danger pour la santé humaine ainsi que pour nos écosystèmes. De plus, certains groupes estiment que notre biodiversité est mise à rude épreuve avec les semences génétiquement modifiées. Malgré cela, aujourd'hui, plus de 70 % des produits consommés contiennent des ingrédients génétiquement modifiés et ils sont disponibles partout.

D'ailleurs, les consommateurs exigent, de plus en plus, une chaîne d'approvisionnement transparente et avec raison. Avec les années, la science a la plupart du temps servi les intérêts de l'industrie, dans le but d'augmenter ses ventes. Bien qu'il n'y a rien de mal à cela, les dernières années ont permis de découvrir que la science a ses limites. Les gras trans, le sodium, le sucre et encore. C'est pourquoi, avec un tel palmarès, l'instinct des consommateurs est de vouloir se protéger, de s'informer et de s'interroger.

RECHERCHE PROBANTE

Cependant, dans le cas des OGM, la recherche scientifique afin d'évaluer les risques est probante. Bien que les risques soient minimes, des études longitudinales sont toujours nécessaires pour mieux les comprendre à plus long terme. Or, pour certains, les recherches concluantes valent peu et le doute persiste.

Par ailleurs, au cours des prochains mois, les ministres de la Santé et de l'Agriculture consulteront la population afin d'évaluer les conséquences socioéconomiques de la commercialisation de ce saumon.

Un point qui sera sûrement mis à l'agenda est la communication des risques et le lien de confiance avec les consommateurs.

Après tout, le saumon est un aliment louangé par plusieurs nutritionnistes. Étant une bonne source d'oméga-3, de calcium, il permet de lutter contre les maladies cardiovasculaires. Il est donc souhaitable de voir sa demande augmenter. D'ici quelques années, avec l'arrivée de l'AquaAdvantage, le prix du saumon pourrait demeurer relativement stable, permettant ainsi à plusieurs consommateurs d'en profiter.

Somme toute, le saumon transgénique est un projet audacieux mais dangereux. Avant d'aller trop loin et pendant que les individus profitent des bienfaits de la biotechnologie, l'étiquetage obligatoire est nécessaire pour rassurer les sceptiques et permettre aux consommateurs de croire qu'ils ont vraiment le dernier mot.