On a récemment observé que depuis que l'aide médicale à mourir est devenue légale au Québec, un nombre significatif de médecins ont manifesté leur refus de poser eux même le geste qui mettra fin à la vie de leur patient.

Certains s'en étonnent, vu le consensus qui semblait régner lors de l'adoption de la loi 52. Je crois qu'on assiste à un retour du réel après une longue période de confusion. La première confusion est celle qui veut faire croire que l'euthanasie, rebaptisée aide médicale à mourir, est un geste médical.

La deuxième confusion découle de la première, à savoir qu'un médecin, comme tout citoyen, peut parfaitement être en accord avec la légalisation de l'euthanasie, incluant le suicide assisté, au nom du droit à disposer de sa vie, sans accepter l'idée que non seulement il s'agisse d'un geste médical, mais d'un soin qu'il a l'obligation de prodiguer ou de contribuer à donner.

Le principe fondamental de la pratique médicale est de proposer des gestes dont les bénéfices l'emportent sur les risques. Toute la médecine rationnelle repose sur ce principe, qu'elle soit curative ou palliative.

Or le geste de donner la mort, même s'il est considéré comme moralement juste, ne peut d'aucune façon être qualifié de médical.

En effet, personne ne connait les conséquences de la mort. Nous savons seulement qu'elle est irréversible et que la personne qui meurt ne revient pas. Le médecin, comme tout le monde, ne sait rien d'autre. L'idée que la personne va cesser de souffrir si on met fin à ses jours est très répandue, mais elle repose sur des croyances quant à ce qui se passe, ou ne se passe pas, après la mort. Il n'y a rien de scientifique dans ces croyances.

C'est devant cette ignorance que les médecins ont toujours refusé l'euthanasie et pas seulement à cause de convictions morales ou religieuses. La loi 52 instrumentalise les médecins pour poser un geste dont la justification est une question de philosophie politique. Il n'est pas étonnant que certains d'entre eux ne veuillent pas collaborer.