La croissance économique du Québec, comme celle de la plupart des pays, est fortement liée à la qualité de sa main-d'oeuvre. Ceci est encore plus vrai dans une période où sa population est vieillissante et où la croissance de sa main-d'oeuvre sera très lente pour les deux ou trois prochaines décennies.

La croissance de l'économie québécoise est donc reliée plus que jamais à la qualité de son système d'éducation et à la capacité de ce dernier de faire en sorte qu'une proportion importante de ses diplômés (du secondaire et du postsecondaire) soient « en mesure de décoder, d'analyser et d'utiliser adéquatement les informations textuelles et numériques auxquelles nous sommes exposés dans la vie de tous les jours, tant pour répondre à des besoins personnels, ou à de nouveaux défis au travail, que pour contribuer à l'enrichissement économique, social et culturel de la société ».

En termes du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), cela veut dire atteindre au moins le niveau 3 sur l'échelle de 0 à 5. En 2012, pour l'ensemble de la population du Québec âgée de 16 à 64 ans, la proportion ayant atteint au moins le niveau 3 était de 47 % en littératie et 43 % en numératie, et cela, malgré l'accessibilité à la très grande majorité de cette population du système public d'éducation. Nous ne sommes pas du tout dans la situation que nous avions dans les années 60, où le faible niveau de littératie et de numératie pouvait s'expliquer par le fait qu'une proportion importante de la population d'adultes n'avait pas eu la chance de terminer des études secondaires.

Peut-on espérer que les récents et futurs diplômés du système public d'éducation vont permettre à une proportion beaucoup plus grande de la main-d'oeuvre du Québec d'atteindre le niveau 3 en littératie et en numératie ? La réponse à cette question est malheureusement non. Les résultats du PEICA montrent qu'en 2012 seulement, 44 % des 16-19 ans et 58 % des 19-24 ans avaient atteint ce seuil de compétence en littératie. En numératie, ces proportions sont légèrement plus faibles. Augmenter significativement ces proportions (disons pour dépasser les 75 %) impliquerait des changements majeurs dans le système d'éducation, notamment une hausse des standards, surtout au primaire et au secondaire, et du soutien aux élèves qui progressent plus lentement que les autres. Tout cela impliquerait aussi une hausse sensible des dépenses annuelles en éducation.

Est-ce que cela vaudrait la peine ? Je pense que oui.

Cela permettrait une hausse notable du potentiel économique, une hausse des revenus du gouvernement et une baisse de nombreux coûts d'administration publique reliés à l'existence d'une trop grande proportion de la population en difficulté et en situation d'exclusion sociale.

Dans ce dossier, on se console trop facilement en se disant que la situation du Québec n'est pas tellement différente de celle du Canada et de celle d'autres pays développés. Certes, le Québec fait moins bien que le reste du Canada selon certaines statistiques, mais selon certaines autres, il fait mieux. Je pense qu'il faudrait plutôt qu'on vise à faire beaucoup mieux que les autres (le reste du Canada et nos concurrents sur la scène internationale). 

Avoir une main-d'oeuvre plus qualifiée, c'est un gros avantage dans le commerce international. Peut-être que nos dirigeants politiques cherchent trop à mettre en place des mesures budgétaires et fiscales génératrices de dépendance et dont l'abondance réduit leur efficacité (subventions, crédits d'impôt, aide au financement, incitatifs pour ceci ou cela...) ; peut-être que ces dirigeants devraient d'abord bien faire des choses de base qui donnent des résultats certains, telles que d'accroître les connaissances de base en littératie et en numératie et telles que de donner la soif de l'apprentissage continu à tous les jeunes étudiants qui se lanceront sur le marché du travail.