Matane, Ville-Marie, East-Angus, Grand-Mère, Jonquière, et bientôt St-Hilarion dans Charlevoix ? Depuis 2005, 239 usines de produits forestiers ont fermé définitivement leurs portes ou réduit la taille de leurs installations à travers le Québec. Une hécatombe.

Ces fermetures ne concernent pas que les industriels forestiers. Elles éliminent d'importantes sources de développement économique pour les communautés environnantes. Derrière l'incroyable statistique de 20 000 pertes d'emplois dans les usines et en forêt se cache la douleur de travailleurs, familles et communautés qui doivent reconsidérer l'avenir. Les experts expliquent cette débâcle par le passage d'une tempête parfaite générée pendant cette période par un taux de change défavorable aux exportations, un changement des habitudes de consommation des produits papetiers, une récession monstrueuse aux États-Unis, une concurrence accrue des pays en voie de développement et le changement du régime forestier québécois.

Au même moment, des usines employant plus de 60 000 personnes résistent à cette tempête. Qu'est-ce qui distingue ces usines de celles qui sont tombées ?

Il y a urgence à trouver une réponse à cette question, car ce ne sera pas la première fois que les forces du marché délocaliseront une industrie nationale.

L'État devra rapidement décider si l'industrie forestière est un secteur d'avenir pour le Québec, au même titre que l'aéronautique, les sciences de la vie, le jeu vidéo et l'agroalimentaire. Dans l'affirmative, les efforts qui s'imposent devront être faits pour relever cette industrie.

Ce n'est pas sorcier, des investissements massifs seront nécessaires pour moderniser ou construire de nouvelles usines de produits forestiers et sécuriser les approvisionnements en bois à des prix profitables, tant pour les acheteurs que pour les fournisseurs en forêt. Tous les acteurs du secteur forestier le disent, des programmes gouvernementaux existent, mais le changement ne s'opère pas assez rapidement. À l'inverse, les Suédois, les Finlandais, les Américains, les Chiliens, les Brésiliens et les Chinois agissent avec aplomb. Il faudra donc faire plus et mieux !

Historiquement, la grande forêt publique fut la source d'approvisionnement de l'industrie forestière québécoise. Pour répondre au défi actuel, il faut s'interroger sur la pertinence d'utiliser davantage les 66 000 km2 de forêts privées appartenant à 134 000 individus, familles et petites entreprises. Ces forêts poussent deux fois plus vite que les forêts publiques du nord, sont cultivées avec soin par leurs propriétaires et sont situées à proximité des usines. Des dizaines de milliers de propriétaires et producteurs forestiers sont déjà actifs. Imaginez ce qui pourrait être fait si les politiques gouvernementales misaient réellement sur eux. Les propositions pour mobiliser ces propriétaires forestiers ne manquent pas. Mais la volonté d'agir existe-t-elle ? Pas si on se fie à la nouvelle Stratégie gouvernementale d'aménagement durable des forêts qui fut rendue public à veille du congé des fêtes.