J'écris aujourd'hui pour raconter une histoire. Celle d'un jeune finissant en médecine familiale qui a fait une formation supplémentaire avancée en urgence, payée par l'État québécois. Il ne pourra pas mettre ses services d'urgentologue au profit de la population.

C'est aussi l'histoire d'une médecin qui aimerait faire uniquement du suivi de patients en cabinet, mais qui ne peut pas, car le gouvernement l'oblige à travailler une semaine par mois à l'hôpital. Cette médecin veut quitter le Québec pour cette raison. C'est mon histoire aussi. Je suis médecin de famille dans un petit hôpital sans spécialistes et qui, jusqu'à récemment, avait besoin du système de dépannage dont je parlerai plus loin. C'est également la vôtre, l'histoire des patients du Québec.

J'écris pour vous parler du système de santé québécois.

Le 21 décembre, le ministre Barrette a conclu une entente avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), obligeant les nouveaux médecins à pratiquer uniquement en cabinet afin d'augmenter la prise en charge des patients québécois. Cet objectif est louable, mais les moyens entrepris pour y arriver ne le sont pas. En effet, l'entente empêche l'embauche de nouveaux médecins dans les hôpitaux du Québec, à moins d'une dérogation ministérielle. Les départs à la retraite ne seront pas comblés. Or, le réseau hospitalier repose en grande majorité sur les omnipraticiens. 95 % des urgentologues ont une formation de médecin de famille.

Certains hôpitaux étant déjà en manque d'effectifs, les services qui y sont offerts dépendent d'un système de dépannage. Ce sont des médecins qui se déplacent à travers le Québec pour travailler dans des urgences ou des unités d'hospitalisation où il n'y a tout simplement pas de docteur disponible. Cela coûte très cher, puisqu'il faut payer le déplacement et l'hébergement en plus du salaire majoré. La nécessité de recourir à ce système de dernier recours était de moins en moins fréquente ces dernières années grâce à l'arrivée de nouveaux médecins. Ce ne sera plus le cas.

De plus, il n'y a pas assez de médecins spécialistes pour répondre aux besoins de l'ensemble des hôpitaux du Québec à la fois aux urgences et à l'hospitalisation. Les spécialistes ne pourront pas assumer leurs tâches actuelles en plus des activités intrahospitalières des médecins de famille. Ceci aura pour effet d'allonger les listes d'attente. Sans parler du fait qu'il est beaucoup plus coûteux de rémunérer un spécialiste qu'un omnipraticien pour le même travail.

Par conséquent, il est vrai que les Québécois auront un médecin de famille. Mais lorsqu'ils auront besoin d'être hospitalisés ou d'avoir un avis spécialisé, ils auront affaire à un spécialiste débordé, à des listes d'attente encore plus longues.

DES SOLUTIONS SIMPLES

Présentement, les médecins de famille ayant moins de 20 ans d'expérience ont l'obligation d'effectuer entre 6 à 12 heures par semaine de tâches intrahospitalières. Retirer ces obligations permettrait une redistribution des activités médicales vers la prise en charge.

Également, le travail en hôpital est plus payant que le travail en cabinet privé ou en GMF. Revalorisons plutôt ces activités en modifiant la rémunération. Réduisons les tarifs des actes faits en établissement et augmentons ceux pratiqués en clinique. L'enveloppe budgétaire serait la même.

L'entente conclue entre la FMOQ et le gouvernement va à l'encontre des intérêts des Québécois et du système de santé.

L'entente a été signée sans consulter les principaux intéressés, soit les résidents qui terminent leur formation cette année.

De plus, les signataires sont tous des médecins déjà en pratique qui ne seront aucunement touchés pas les changements et donc ne participerons pas à l'effort collectif d'augmenter la prise en charge de patients. Pire encore, ces médecins sont en conflit d'intérêts flagrant. En novembre 2014, le ministre Barrette avait menacé la FMOQ de réduire de 30 % le salaire des médecins de famille, à moins d'une amélioration majeure de l'accès à un médecin de famille. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient voté en faveur de cet accord presque à l'unanimité (un vote dissident).

Ils n'ont pas signé cette entente dans l'intérêt des Québécois. C'est leur intérêt qui prime. Tout à gagner, rien à perdre.

Je vous invite à réfléchir à l'avenir du système de santé. Les changements que le ministre Barrette veut imposer risquent de déstabiliser davantage le système plutôt que de l'améliorer.