On a déjà beaucoup écrit sur la contribution de l'ancien premier ministre Harper à la droite canadienne. Il a transformé un mouvement conservateur miné par des divisions internes et géographiques en un seul parti conservateur uni, cohérent sur le plan idéologique, et ancré dans toutes les régions du pays. Même si la défaite électorale a été dure, le nouveau Parti conservateur est loin de la catastrophe à laquelle les forces conservatrices faisaient face au lendemain de l'élection de 1993.

Ce dont il a été moins question, cependant, c'est la contribution de M. Harper à la métamorphose du paysage politique québécois au cours des 10 dernières années.

Souvenez-vous, au déclenchement de l'élection fédérale en décembre 2005, le Québec est encore pris dans le carcan du bipartisme à saveur fédéraliste-souverainiste, tant à Québec qu'à Ottawa. Plus concrètement, le Bloc québécois et le Parti libéral du Canada règnent sans partage sur notre province. Sur la scène provinciale, l'ADQ est encore un joueur mineur avec à peine quatre députés siégeant à l'Assemblée nationale, devant une hégémonie libéralo-péquiste qui dure depuis une génération.

Après sa victoire électorale du 23 janvier 2006, notamment rendue possible grâce à l'élection inattendue de 10 députés conservateurs dans la région de Québec, Stephen Harper s'efforce immédiatement à poser des gestes d'ouverture envers le Québec : reconnaissance de la nation québécoise, règlement du déséquilibre fiscal, siège du Québec à l'UNESCO, etc.

Avec un succès relatif, il faut remonter à l'époque de John Diefenbaker pour trouver un chef conservateur qui n'est pas québécois atteindre un tel niveau de succès au Québec.

Le parti compte maintenant 12 députés dans la province, même s'il ne forme pas le gouvernement.

Mais ce qui l'a distingué de ses prédécesseurs libéraux, et ce, pendant toute l'ère conservatrice, ce fut sa volonté de respecter à la lettre la souveraineté des provinces dans leurs champs de compétence en vertu de la Constitution canadienne. Bien entendu, il y a eu plusieurs affrontements avec le gouvernement du Québec, notamment sur les enjeux de l'environnement, la justice et la culture. Mais, ces débats n'étaient pas existentiels comme le furent le référendum et les années qui l'ont suivi, ils étaient idéologiques dans un cadre fédéral où chacun est souverain dans ses juridictions.

Bref, les débats n'étant plus existentiels, M. Harper aura vu pendant son mandat un effritement certain du mouvement souverainiste. Le Bloc québécois, ne pouvant plus accuser le gouvernement fédéral de centralisation, a perdu - du moins en partie - sa raison d'être et a accentué son virage vers la gauche. Certains prétendent que cet effritement du souverainisme québécois est structurel. J'adhère à cette thèse, mais je crois que la gouvernance conservatrice prônant le respect des compétences provinciales et l'absence « des vieilles chicanes constitutionnelles » l'auront accéléré.

À l'heure actuelle, le paysage politique québécois est radicalement différent de celui que nous connaissions en 2006 lorsque Stephen Harper est devenu premier ministre. Au fédéral, le Québec est représenté au sein de quatre partis. Et au provincial, depuis l'élection de 2007, le Québec semble sorti de son bipartisme traditionnel avec la dislocation tranquille de l'union des nationalistes qui sont désormais dispersés dans plusieurs partis, ne faisant plus tous de la souveraineté une priorité.