Depuis la victoire électorale des libéraux de Justin Trudeau, la question de la légalisation de la marijuana a occupé beaucoup de place dans le débat public et alimenté de nombreuses conversations.

Une des préoccupations majeures des différents intervenants que l'on a pu entendre sur cet enjeu concerne l'accès à cette substance par les adolescents. Les conservateurs de Stephen Harper nous ont, sur ce sujet, servi durant la dernière campagne électorale un chef-d'oeuvre de démagogie, affirmant que Justin Trudeau souhaitait faciliter l'accès au cannabis aux jeunes Canadiens. Mon expérience personnelle, auprès des adolescents depuis 25 ans, m'amène plutôt à penser que c'est bien davantage la politique actuelle de prohibition qui fait de la marijuana un produit que les jeunes peuvent se procurer facilement.

Au cours de ma carrière, j'ai eu plus d'une fois l'occasion de discuter de cette question avec mes jeunes élèves et, encore lors des derniers jours, j'ai abordé ce sujet avec eux. Je leur ai lancé la question suivante : « Est-il facile pour des jeunes comme vous de se procurer de la marijuana ? » La question a d'abord été accueillie par quelques sourires gênés, mais assez rapidement, les langues se sont déliées.

« Bien sûr, monsieur, que c'est facile de trouver du pot, tout le monde sait où aller et qui aller voir. Quelqu'un qui en veut en trouve. »

Je les ai ensuite interrogés sur la possibilité pour un mineur d'acheter de l'alcool.

« Ça, ce n'est pas facile monsieur. À la SAQ, c'est impossible : ils "cartent" tout le monde ! Et dans les dépanneurs, c'est pareil. »

Ce simple échange que j'ai eu plus d'une fois avec mes élèves devrait à lui seul nous convaincre de la pertinence d'envisager la légalisation de la marijuana. À l'évidence, il est beaucoup plus simple pour un jeune de se procurer quelques grammes de pot que d'acheter six bières ou une bouteille de vodka !

La légalisation ne serait pas une solution miracle pour restreindre l'accès de ce produit aux plus jeunes, mais elle aurait plus de chance de succès que le système prohibitif actuel.

Elle permettrait aussi de mettre fin à une certaine hypocrisie qui entoure encore l'usage de la marijuana, du fait que le produit est illégal, et ainsi, d'avoir un débat rationnel et informé sur sa consommation. Il faut d'ailleurs saluer la franchise du nouveau premier ministre qui n'a pas hésité à avouer que, tout comme des millions de Canadiens, il avait déjà fumé un joint lors d'une soirée entre amis.

On peut également souhaiter que les revenus importants que rapporterait à l'État une telle mesure servent à mettre en place des programmes d'éducation destinés à faire connaître aux jeunes les risques associés à une consommation précoce et abusive de cette substance.

Avant d'aller de l'avant avec un tel projet de légalisation, il faudra cependant prendre le temps d'étudier avec minutie les différentes façons possibles de le faire, et ce, en s'inspirant des expériences qui sont en cours ailleurs dans le monde. Il faudra écouter avec attention l'avis des spécialistes, considérer les résultats des dernières recherches scientifiques et ne pas négliger le débat moral lié à la consommation de drogue, mais tout compte fait, la société canadienne, maintenant gouvernée par des progressistes, est prête pour un tel exercice.