Bon an, mal an, plus de 15 000 dossiers criminels liés au cannabis sont autorisés au Québec.

Pour la majorité, les chefs d'accusation visent une possession simple de faible quantité (moins d'une once). À moins d'obtenir une absolution, ces délinquants se verront imposer des amendes au quantum variable, mais surtout, ils traîneront le poids d'un casier judiciaire avec les conséquences que cela implique.

Pendant ce temps, on dénombre chez nos voisins américains pas moins de 18 États où la possession de cannabis est décriminalisée. On prévoit qu'au moins une dizaine d'États emboîteront le pas d'ici peu. Dans quatre États, la légalisation est par ailleurs totale. La quantité de cannabis tolérée varie d'un État à l'autre, allant de 10 à 28 grammes ou même parfois davantage. On saisit déjà la formidable ironie de cette situation absurde où un jeune Québécois voulant voyager, par exemple, dans l'État de New York ou du Maine s'en verra interdire l'accès en raison de la commission d'une infraction qu'on ne juge pas plus grave qu'un excès de vitesse dans ces mêmes États !

Plus de 40 % de nos compatriotes admettent l'avoir déjà « essayé » et 10 à 12 % font une consommation occasionnelle ou fréquente de cannabis. Selon les plus récents sondages, ce sont maintenant 66 % des Canadiens qui veulent faire sortir la possession de cannabis du Code criminel. Quand on examine le détail de ces sondages, on apprend que le groupe le plus catégoriquement opposé à toute forme de décriminalisation du cannabis, ce sont les chrétiens évangéliques. Or, il se trouve que Stephen Harper appartient à ce groupe. Comme diraient les Chinois : « Do the math ! »

Le récent désaveu par les conservateurs de leur candidat Buddy Ford, de Repentigny, dont le seul crime est d'avoir obtenu une absolution inconditionnelle pour avoir eu en sa possession un simple joint en 2011 est un sommet d'hypocrisie et de stupidité.

Alors qu'à l'échelle mondiale, de plus en plus de gouvernements reconsidèrent l'efficacité de la lutte contre les drogues et s'ouvrent à des solutions de rechange intelligentes à la répression pure et dure, les conservateurs de Stephen Harper nous ramènent dans l'esprit moralisateur et religieux des années Reagan.

Quand M. Harper a déposé le projet de loi C-10 en 2012, les peines minimales obligatoires qui y étaient prévues en matière de drogues avaient déjà soulevé l'indignation de la Commission mondiale sur la politique des drogues et d'une de ses porte-parole, Louise Arbour. Quand on sait que Mme Arbour fut juge à la Cour suprême du Canada et compte parmi les plus grandes juristes de notre histoire, c'est dire à quel point les conservateurs ont tout faux dans leur approche répressive.

Savoir, par exemple, que depuis C-10, une personne accusée d'une production d'aussi peu que six plants de cannabis encourt une peine minimale de six mois d'emprisonnement. Gênant.

LE CANNABIS CRÉE PEU DE DOMMAGES

La population tient pour acquise la prohibition du cannabis. En général peu renseignés sur les origines de cet interdit et sur la réalité du cannabis, les gens entretiennent la perception que c'est en raison de sa nocivité que le produit est illicite. C'est plutôt pour des motifs politiques, économiques et, disons-le, racistes que le pot fut criminalisé. La nocivité ? Retenir que des trois grandes drogues les plus consommées dans notre société (alcool, tabac et cannabis), le cannabis est de loin celle provoquant le moins de dommages.

Au Canada, le tabagisme cause annuellement entre 35 000 et 40 000 morts tandis que l'alcool est directement responsable de plus de 8000 morts, en plus d'être un vecteur important de violence familiale. On n'a par ailleurs jamais enregistré dans l'histoire un seul cas de mort par overdose de cannabis. Bien au contraire, les chercheurs n'en finissent plus de trouver des applications thérapeutiques à ce produit.

N'eût été l'élection des conservateurs en 2006, les libéraux de Paul Martin entendaient décriminaliser la possession de cannabis. Aussi bien Justin Trudeau que Thomas Mulcair se sont prononcés en faveur de cette initiative. Reste à espérer qu'ils assumeront.