L'auteur réagit à la lettre du Dr Jean-François Caron, « Le diable consulte au privé », publiée le 20 mai.Dr Caron,

En tant qu'apôtre (j'oserais dire ayatollah) de la Vérité, fondamentaliste, selon vos dires, du système public en santé, j'aimerais rappeler aux lecteurs de ce journal une vérité très comptable : un système privé de santé coûte plus cher.

Entre les propriétaires de cliniques privées, les compagnies d'assurance et tant d'autres intermédiaires, l'argent du client est dépensé en services, certes, mais aussi en profits. 

En 2012, dernière année comptabilisée dans les statistiques de l'OCDE, les dépenses canadiennes totales en soins de santé étaient de 4702 $ US par habitant, contre 8645 $ US aux États-Unis (représentant par excellence du modèle entrepreneurial en santé). Dans ces deux pays, la part des dépenses publiques représentait respectivement 4160 $ et 3224 $ par habitant. En comptant toutes les dépenses, les États-Unis ont, de loin, le système le plus cher au monde.

Dans notre société, les soins de santé sont l'un des derniers services que le client fortuné, capable de payer, ne peut se procurer plus rapidement.

Cette priorisation basée sur les besoins plutôt que sur le portefeuille est de plus en plus contestée par des cliniques comme la vôtre.

Il serait difficile de nier qu'un système de santé comme le système américain, mené en grande partie par les compagnies d'assurance, permet pour certains des soins d'une qualité inégalée dans des hôpitaux cinq étoiles au prix d'une partie de la population laissée pour compte. Les frais payés par les particuliers et les employeurs pour ces polices d'assurance sont extravagants, mais il est naturel de préférer payer pour les soins de santé de sa famille que pour ceux des autres...

Pour l'instant, les clients du système privé québécois disent payer « un petit extra » pour un meilleur service. Certains d'entre eux déplorent que ce « petit extra » s'ajoute à leurs impôts. Le privé, en santé, coûte plus cher, mais il coûte aux particuliers, pas à l'État. Le problème, c'est qu'à mesure que les profits s'accroissent, plusieurs intervenants du système de santé et plusieurs entreprises aussi veulent leur part du « petit extra ». Parallèlement, le service de base garanti à tous devient insuffisant en comparaison.

Cette situation est déjà bien réelle : les assurances médicaments privées couvrent des traitements inaccessibles aux assurés du public, la radiologie privée garantit des délais incomparables à ceux du public pour les échographies et les IRM.

Le système de santé québécois a un défaut majeur : l'accès à la première ligne de soins, en médecine générale et spécialisée, est difficile. Il faut trouver des solutions à ce problème réel. Socialement et économiquement, le privé est une solution beaucoup trop coûteuse. Les entrepreneurs et ceux qui aiment penser comme des entrepreneurs apprécient le système de santé privé, car il permet de créer de la richesse alors que le système actuel ne crée pas beaucoup plus que de la santé. Pour les autres, petit extra pourrait devenir grand.