Pourquoi, me direz-vous, ne pas tout simplement aller lever ma main contre la reconduction de la grève, demain, à l'assemblée générale de l'Association facultaire étudiante des arts de l'UQAM (AFÉA)?

Parce que je suis étudiante en arts, pas en politique ni en communication. Je n'ai pas l'âme d'une militante. Je suis plutôt gênée et tranquille et je m'exprime beaucoup mieux par la création que par l'action. Comme plusieurs de mes collègues, je suis un peu plus âgée que ces enfants de 19 ans, qui sortent à peine de chez maman et ne connaissent encore presque rien de la vraie vie adulte et des responsabilités. Je n'ai pas l'opiniâtreté nécessaire pour m'élever contre cette nouvelle génération qui ne sait pas se faire dire non et n'écoute souvent que ce qu'elle veut bien entendre.

Je ne suis pas contre le principe de grève en général. Je trouve très important d'avoir des idéaux, des opinions, des inquiétudes. Mais je pense que pour revendiquer, que dis-je, exiger, comme mes confrères étudiants le font, il faut d'abord s'informer objectivement, comprendre en profondeur. En un mot: s'éduquer.

Suis-je contrariée par les impacts immédiats des mesures d'austérité du gouvernement actuel? Bien entendu. Je déteste aussi, parce que je suis une fille comme ça, quand mon homme me met le holà sur le magasinage parce que notre budget nous a échappé depuis quelques mois. C'est plate, l'austérité. Mais pas autant que les conséquences à long terme de toujours dépenser plus que ce qu'on peut se permettre.

Est-ce que je crois que le gouvernement pourrait faire mieux? Fort probablement. Par contre, je ne suis pas économiste, et les étudiants en grève non plus. C'est bien beau d'exiger, mais quoi, exactement? Plus d'argent, oui. C'est féérique, l'argent. A-t-on créé un débat amenant des alternatives réalistes, qui prennent en compte tous les aspects complexes, tant actuels que futurs, des décisions budgétaires à un niveau provincial? Pas du tout.

Prise en otage

Alors pourquoi cette grève? J'ai cette impression que la majorité des grévistes actuels est en fait composée de militants nostalgiques, ou bien jaloux de n'avoir pas fait partie du mouvement, beaucoup plus articulé, de 2012; gonflés de leur propre importance adolescente et d'idéaux trop purs, dont ils ne comprennent pas les ramifications à moitié.

Trois semaines plus tard, je me sens prise en otage et je suis extrêmement déçue.

Pour l'instant, je paye beaucoup plus d'impôts, de taxes et cotisations que je n'en coûte. En plus de mes frais de scolarité. Et c'est parfait comme ça. Un jour, je serai vieille, retraitée, peut-être malade aussi, sait-on jamais. Et à ce moment-là, j'aurai besoin que le système social du Québec fonctionne encore. En attendant, serait-il possible, s'il vous plaît, d'arrêter de gaspiller des millions des budgets d'éducation et de sécurité publique?

Je n'irai pas à l'assemblée de l'AFÉA, parce que le principe de vote à main levée est ridiculement non démocratique et très intimidant, surtout si on sait d'avance que la salle sera peuplée en majorité de militants. Je propose donc d'organiser une manifestation calme et mature, avec itinéraire, pour l'instauration obligatoire du vote électronique dans toutes les associations étudiantes. C'est probablement la seule façon pour la majorité tranquille de s'imposer. Et de finir par finir nos études, pour aller travailler et payer des impôts, que la société pourra dépenser.