Si l'on tient compte de la taille des deux économies, l'aide aux entreprises coûte au Québec environ deux milliards de plus qu'en Ontario. Or, l'aide aux entreprises repose fréquemment sur des projets onéreux qui engendrent peu d'emplois (projet Gaspésia, production d'électricité inutilisée avec des éoliennes).

De surcroît, le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt et placement ont récemment annoncé leur participation au financement de la cimenterie de Port-Daniel-Gascons: un montant de plusieurs centaines de millions de dollars. Le ministre Daoust affirme que cette entente a été négociée sur des bases strictement commerciales.

Espérons que cela est le cas. Sinon, s'il y a effectivement subvention, les États-Unis y trouveront une justification pour imposer des droits de douane spéciaux sur la production de ciment qui serait écoulée aux États-Unis, ce qui réduirait les ventes sur ce marché. L'entreprise devra alors écouler davantage sa production sur le marché canadien au détriment des autres cimenteries du Québec.

Au lieu de privilégier de telles aventures coûteuses, le gouvernement devrait plutôt consacrer plus de ressources à la croissance de la productivité manufacturière du Québec.

La productivité et le taux de change sont les deux principaux déterminants de la capacité des entreprises manufacturières du Québec à concurrencer sur le marché canadien et sur les marchés mondiaux. Entre 2002 (creux historique de  61,7 cents US) et 2011 (valeur du dollar à 101 cents US), la force du dollar canadien a fortement contribué à la diminution de la compétitivité du secteur manufacturier du Québec, ainsi qu'à la diminution de la croissance de ses ventes sur ses principaux marchés (Canada et États-Unis). La force du dollar canadien a ainsi largement réduit la rentabilité du secteur manufacturier et, conséquemment, ses investissements en machinerie et équipements. Ainsi, les gains de productivité ont été anémiques.

Entre 2002 et 2011, le dollar canadien s'est apprécié de plus de 50% par rapport au dollar américain. Le secteur manufacturier du Québec et du Canada a enregistré des gains de productivité très faibles (10,6%, comparativement à 55,7% aux États-Unis). Il n'est donc pas surprenant de constater que la production manufacturière a chuté de 11,5% au Québec et au Canada, tandis qu'elle augmentait de 23,2% aux États-Unis*.

Actuellement, avec un taux de change se situant aux environs de 80 cents américains, le secteur manufacturier est redevenu rentable. Le gouvernement du Québec doit donc agir vite afin que les investissements et la productivité augmentent rapidement. Il doit poser certaines actions pour que les entreprises manufacturières du Québec comblent le retard technologique de ce secteur, qui provient des faibles investissements en machinerie et équipement des douze dernières années.

De fait, le gouvernement doit instaurer un nouveau programme d'aide pour que les PME du Québec bénéficient de conseils d'ingénieurs de production expérimentés, afin que ces entreprises puissent se doter des meilleurs machineries et équipements. De plus, afin d'inciter les entreprises manufacturières à investir, le gouvernement doit également prélever une taxe spéciale sur les profits non réinvestis.

Le gouvernement peut facilement justifier cette dernière mesure, puisqu'un dollar canadien faible constitue, de facto, une subvention des consommateurs aux producteurs manufacturiers québécois qui desservent le marché canadien et les marchés mondiaux.

Bref, appliquons la maxime de l'ex-chancelier allemand, Helmut Schmidt: «Les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain.»

* Source: Bureau of Labor Statistics des États-Unis