Un des directeurs généraux les plus compétents et les plus valeureux du réseau de la santé et des services sociaux du Québec, le Dr Jacques Turgeon, chercheur de réputation internationale et gestionnaire avisé, vient de démissionner de son poste de DG du CHUM dans l'honneur et la dignité.

Cette démission a été suivie par celle du président du conseil d'administration, M. Jean-Claude Deschênes, un des hommes les plus respectés au Québec en matière de gouvernance.

Pour le CHUM, ce n'est rien de moins qu'une catastrophe dont on verra se déployer les effets dans les prochains jours et les prochaines semaines. Le Dr Turgeon avait réussi en quelques mois à rallier le personnel de cet établissement vers l'objectif de faire du CHUM un fleuron du Québec sur les plans des soins, de l'enseignement et de la recherche. Je suis membre du conseil d'administration du CHUM et je peux attester de l'excellence de la prestation de Jacques Turgeon, l'homme le plus simple, le plus intègre et le plus rempli d'idéal qu'on puisse imaginer et qui résolvait efficacement les problèmes grâce au travail d'équipe et à un leadership naturel que, pour ma part, je ne cessais d'admirer.

Il était appuyé par un conseil d'administration solide présidé avec compétence et rigueur par un ancien grand mandarin de l'État au parcours exceptionnel.

Le Dr Turgeon démissionne après seulement quelques mois. Pourquoi? Il s'en est expliqué très clairement, et les faits sont maintenant connus. C'était pour lui une question de principes et de valeurs personnelles, ce que vient confirmer sa renonciation à une allocation d'un an de salaire à laquelle il aurait eu droit et que son silence lui aurait permis d'obtenir dans quelques jours seulement.

Jacques Turgeon a refusé le chantage auquel le ministre Barrette l'a soumis en imposant comme condition à sa nomination comme PDG du CHUM le non-respect des processus en vigueur et la nomination, comme chef de la chirurgie, d'un candidat non retenu par le comité de sélection formé avec soin par le conseil d'administration et où l'Université de Montréal était représentée.

Le Dr Barrette nie ces faits, pourtant corroborés par d'autres témoignages. Il tente de dévier l'attention en se référant à un processus antérieur de sélection et en accusant à son tour Jacques Turgeon de partialité. Il cherche à noyer le poisson en se référant aux traditionnelles «chicanes de docteurs» et aux problèmes persistants du CHUM. Or, ces problèmes dont il parle étaient en voie de solution et en grande partie derrière nous avant son intervention odieuse et son abus de pouvoir.

Mort de l'AQESSS

Dans quelques jours, cette AQESSS mourra elle aussi, après 10 ans d'existence et 85 ans de continuité d'entreprise comme représentante des établissements de santé et de remarquables services à la société québécoise. Nous avons eu le malheur d'être les premiers à proposer l'étalement dans le temps de l'augmentation du salaire des médecins. Je ne me livre ici à aucune interprétation. Dans les quelques désagréables minutes de conversation que j'ai eues avec lui, le Dr Barrette me l'a dit très clairement devant témoins: «Premièrement, je vous l'annonce: désormais, il y aura un boss à la Santé, et c'est moi...! Deuxièmement, des interventions comme vous avez faites... sur le salaire des médecins, j'en veux plus! Ça ne vous regarde pas!» Malgré son accession à la haute fonction ministérielle, M. Barrette n'a pas digéré que l'AQESSS mette en cause les résultats qu'il avait obtenus comme président de la FMSQ. Du coup, notre sort était scellé.

Le ministre Barrette veut diriger le réseau de la santé et des services sociaux comme si c'était sa clinique privée. Va-t-on longtemps lui laisser carte blanche pour gérer de semblable manière la moitié des dépenses de l'État?