Le Québec s'en va vers une période de confrontation sociale. Pour passer à travers avec le moins de dommages possible, il nous faudra avoir un véritable débat public et nous armer d'information.

Heureusement, de toute l'histoire de l'humanité, il n'a jamais été aussi facile pour un gouvernement de transmettre à ses citoyens l'information nécessaire aux débats publics. Malheureusement, pouvoir ne signifie pas vouloir.

Les attaques contre Radio-Canada nous apprennent les risques inhérents à exposer la vérité. Les limitations de l'accès des médias aux ministres nous font craindre le risque d'une information contrôlée. Un attaché de presse ne peut dire que ce qu'on lui a dit de dire. Quand on est au pouvoir, on décide qui a le droit de savoir.

Le gouvernement Harper a remplacé le formulaire long du recensement par une étude facultative. Cela crée une disparité avec les études précédentes, rendant les comparaisons ardues. On dirait que notre gouvernement ne veut rien savoir sur nous. C'est étrange, car pour prendre des décisions éclairées, il faut bien se documenter.

La commission Charbonneau nous apprend les risques des décisions prises en privé. Des conseils municipaux refusent l'entrée aux médias lors des séances du conseil. Ils interdisent à leurs citoyens de filmer. Pourtant, elles sont ouvertes au public. Chers élus, vous devriez être ravis que vos citoyens s'intéressent à la politique municipale. Vous devriez être aussi ravis que vos citoyens aient accès aux séances. Ne croyez-vous pas que le public a le droit de savoir?

TransCanada n'a toujours pas rendu publiques toutes les informations relatives à son projet de pipeline. Le projet de la cimenterie McInnis ne sera pas soumis au BAPE. Le contrat de cession des droits d'exploitation pétrolière à Anticosti est secret. Toute information portant sur nos ressources naturelles ou sur les dangers pour l'environnement ou pour la santé devrait être du domaine public. Idem pour tout contrat conclu avec le gouvernement, une instance publique ou parapublique. La corruption, les retours d'ascenseur et le copinage se nourrissent de secret. La démocratie et même la saine gestion se nourrissent de transparence.

Le rapport du Vérificateur général de 2009 sur les PPP nous apprend les dangers des études cachées. Le gouffre financier du CHUM et des autres PPP aurait pu être évité si l'information avait été propagée. Le biais et les assomptions trompeuses de ces études auraient été indéfendables, tout comme leurs conclusions. Malheureusement, faute d'information, il ne put y avoir de véritable débat. Toute étude commandée, réalisée ou financée par le gouvernement, une institution publique ou parapublique devrait être accessible gratuitement sur l'internet. Parce que quand on ne sait pas, on risque de se faire avoir.

Il nous reste toujours la Loi sur l'accès à l'information. Malheureusement, l'expérience nous apprend qu'elle sert plus à camoufler qu'à divulguer. Le processus est long, parfois coûteux, souvent ardu. Pourtant, en cette ère d'information, ce devrait être le contraire. Le gouvernement s'octroie des privilèges de surveillance et d'espionnage de plus en plus vastes. Nos informations personnelles sont une monnaie d'échange entre entreprises. Malgré sa culture du secret, notre droit à la vie privée semble être une priorité très, très éloignée du gouvernement...

Pourquoi tout ce secret? Ou plutôt, pour qui? À qui profite cette culture de l'opacité? Nos gouvernements devraient se rappeler le principe fondamental de leur existence: ils n'existent pas pour nous gouverner, mais pour nous représenter. On n'accepterait jamais qu'un médecin qui nous prescrit des médicaments garde sous silence les effets secondaires pour ne pas nuire à la pharmaceutique. On n'accepterait jamais qu'un avocat parte en guerre en notre nom sans nous dire combien cela risque de nous coûter. On n'accepterait pas plus que le gérant d'un magasin vende la boutique au rabais sans l'accord de son propriétaire.

Alors pourquoi l'accepterions-nous de ceux qu'on élit pour nous représenter pour quatre ans? Parce que, dans le fond, quand on ne sait pas, on n'a aucun pouvoir.