Selon certains rapports qui proviennent de l'Europe ces jours-ci, le Vieux Continent serait sur le point de vivre une véritable crise du lait. Contrairement au Canada, qui maintient obstinément son système de gestion de l'offre pour le lait, la volaille et les oeufs, les quotas laitiers européens seront abandonnés définitivement dès le mois d'avril. C'est un moment historique pour l'agriculture européenne.

Par contre, selon certains, la fin des quotas signifie qu'il y aura une surabondance de lait sur le marché et que plusieurs producteurs de moindre envergure cesseront leurs activités, surtout dans les régions où les économies d'échelle sont moins que probables. L'Europe vit donc un grand bouleversement au sein de sa filière laitière, mais il est difficile de croire que cette région du globe est à l'aube d'une crise. Bien au contraire.

Depuis le début de la réforme européenne, les producteurs ne cessent de démontrer une volonté de mieux performer et de faire preuve d'ingéniosité. Avec la fin des quotas, la production augmente, le lait coûte moins cher à produire et les consommateurs en profitent. Décidément, malgré certaines subventions dissimulées, cette réforme qu'aborde l'Europe est d'une audace inouïe qui inspirera possiblement le Canada, jusqu'à un certain point.

Mettre fin au système de quotas au Canada serait suicidaire, étant donné que nous sommes au nord d'une superpuissance laitière, les États-Unis. Par contre, le présent régime doit miser sur l'excellence afin d'augmenter l'efficacité des producteurs. Or, l'approche actuelle préconise la valorisation de la moyenne, une formule qui protège ceux qui agissent lentement et forcent ainsi les consommateurs de lait à payer plus cher.

Au Canada, avec l'Accord de libre-échange Canada-Union européenne qui nous pend au bout du nez, le secteur laitier sent définitivement la soupe chaude. L'accord, s'il est entériné par les deux camps, permettra aux producteurs européens d'exporter plus de 17 000 tonnes de fromage supplémentaires au Canada, dès 2016.

Puisque le lait est moins dispendieux en Europe, les fromagers québécois et canadiens auront bien sûr de la difficulté à offrir des prix concurrentiels.

Un système qui s'adapte

Après une analyse rigoureuse, la Commission canadienne du lait, qui opère souvent dans l'obscurité totale et fait fi de l'attention médiatique, a décidé récemment de diminuer le prix du lait qui revient aux producteurs laitiers canadiens. C'est la première fois en 22 ans qu'elle décide de diminuer le prix de l'hectolitre versé aux producteurs, une décision tout aussi surprenante que rassurante. Par cette décision, les commissaires visent à stimuler la demande de produits laitiers au pays. La consommation de lait par personne au Canada diminue depuis plusieurs années, faut-il le rappeler.

Du coup, la Commission démontre que notre système quelque peu archaïque de la gestion de l'offre a tout de même la capacité de s'adapter au changement. Il est important de rendre à César ce qui lui revient. Pour les consommateurs, il est possible que le prix de nos produits laitiers diminue, même celui de certains mets qui requièrent du fromage, comme la pizza. Les consommateurs à la recherche d'une meilleure nutrition risquent d'en sortir gagnants. Encore faut-il toutefois que les transformateurs et les restaurateurs refilent leurs économies aux consommateurs...

Entre temps, la Commission européenne entend soumettre un rapport le 28 février prochain et proposer de nouvelles mesures afin de colmater cette possible crise. Espérons que le rapport réaffirmera que le parcours vers le libre marché en vaut la chandelle, mais qu'il est rarement sans embûches.