Afin de pouvoir s'occuper des vraies affaires, il faut d'abord se les dire. Or, depuis quelques années, le déséquilibre de notre système de régimes de retraite a fait l'objet de nombreuses critiques à la suite des crises économiques de 2000, 2001 et 2008. Le niveau anémique des taux d'intérêt sur les obligations canadiennes à long terme et les fortes baisses plus fréquentes des marchés boursiers ont aussi fait en sorte que de nombreuses iniquités sont devenues plus évidentes dans notre système.

D'abord, l'iniquité sociale: les rentes de retraite de la très grande majorité des employés et élus du secteur public et parapublic sont garanties à 100% par les contribuables, alors que celles des employés du secteur privé ne le sont pas.

Puis, l'iniquité fiscale: la très grande majorité des employés et élus du secteur public et parapublic peuvent voir jusqu'à 30% de leur rémunération admissible être investie à l'abri de l'impôt, alors que la majorité des employés du secteur privé est limitée à 18% de leur revenu d'emploi. Pire, en cas de déficits du capital-retraite accumulé, ils peuvent se reprendre avec des cotisations additionnelles, ce qui n'est pas permis aux employés du secteur privé participant à des REER ou à des régimes de retraite à cotisations déterminées.

Finalement, l'iniquité intergénérationnelle: l'accumulation et le report d'importants déficits de capitalisation dans les régimes de retraite du secteur public et parapublic devront éventuellement être payés par les générations futures, alors qu'ils n'ont servi qu'au bénéfice des générations précédentes. En plus de ne viser que le secteur municipal, le projet de loi 3 ne règle pleinement aucune de ces iniquités.

Tous les intervenants devant la commission parlementaire portant sur ce projet de loi ont admis que les cotisations patronales aux régimes de retraite ont toujours fait partie de la rémunération globale et de la négociation de l'enveloppe de rémunération globale. Il faut donc clairement mettre de l'avant ce principe en indiquant que tous les régimes de retraite du secteur public et parapublic sont des régimes à financement salarial, aussi appelés régimes à prestations cibles ou mutuelles de retraite.

L'Ontario a depuis longtemps mis de tels régimes en place, entre autres pour les secteurs municipal (OMERS), de l'éducation (TEACHERS) et de la santé (HOOPS). Ainsi, à l'avenir, les rentes de retraite seraient clairement garanties par la négociation de l'enveloppe de rémunération globale et des cotisations salariales de chacun des groupes d'employés et élus du secteur public et parapublic, incluant les universités, les juges, la Sureté du Québec, Hydro-Québec, etc.

Sur le plan fiscal, il faudrait au moins obliger ces régimes de retraite à certifier que le coût annuel nivelé sur base de capitalisation, exprimé en pourcentage de la rémunération admissible plafonnée en dollars constants, ne dépasse pas 18% pour un homme participant activement au régime pendant 30 ans.

Pour corriger l'iniquité intergénérationnelle, il suffit d'obliger la création d'un fonds de stabilisation et d'appliquer à tous les régimes de retraite du secteur public et parapublic les règles actuelles de capitalisation sur base continue, selon la loi sur les régimes complémentaires de retraite. De plus, compte tenu de la pérennité des institutions publiques et parapubliques, tous les tests et obligations basés sur la solvabilité ne doivent pas s'appliquer aux régimes de retraite du secteur public et parapublic.

Il est évident que le projet de loi 3 ne vise qu'à réduire la rémunération globale des employés du secteur municipal en réduisant les cotisations patronales aux régimes de retraite, sans autre compensation pour les employés. Si le gouvernement du Québec juge que la rémunération globale des employés municipaux doit être réduite afin de respecter la capacité de payer des contribuables et le niveau de la rémunération globale versée par le provincial pour le même type d'emploi, il n'a qu'à adopter une loi forçant les municipalités à réduire ces écarts de rémunération globale sur un nombre raisonnable d'années.